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Performance de l'enseignement supérieur : la sélection à l'université est nécessaire

Les enseignants-chercheurs sont en grève (voir notre entretien avec Jean-Robert Pitte). L'élément déclencheur de la crise ? Un projet de décret réformant notamment l'articulation (rigide) entre recherche et enseignement à l'Université. Pour les enseignants-chercheurs concernés, une crainte : que le président d'université qui possède, grâce à la loi LRU [1], des pouvoirs de décision élargis, attribue au gré de ses humeurs à qui plus d'heures de cours, à qui plus de temps en laboratoire de recherche.

Absence de pédagogie du côté du gouvernement, manipulation de la part des syndicats de l'autre ont déclenché la fronde qui non seulement remet en cause la réforme du décret, mais pourrait dans le pire des cas aboutir à l'annulation de la réforme sur l'autonomie des Universités. Pourtant, ce projet de décret ne mérite pas tant de cris d'orfraies, et va dans le sens d'une réforme désormais nécessaire de notre université malade, celle d'une remise en cause de notre modèle égalitariste centralisé et monolithique d'enseignement supérieur universitaire.

L'université française est malade, les symptômes sont clairs : absence de visibilité à l'étranger de nos formations supérieures et faible accès de la population aux études supérieures. Pour ne pas faire référence au trop connu classement de Shanghai, nous pouvons considérer celui du Times of Higher Education, qui classe 5 universités et grandes écoles françaises dans le top 200 mondial, dont l'Ecole Normale Supérieure, l'Ecole polytechnique et l'Université Pierre et Marie-Curie, contre 35 anglaises et 57 sont américaines. Deuxièmement, l'Université française est avant tout une énorme machine à générer l'échec, avec près de 23 % des jeunes sortant de l'Université sans aucun diplôme. Avec un taux d'obtention d'un diplôme supérieur de 26%, contre 36 % pour la moyenne des pays de l'OCDE, la France fait ainsi pâle figure parmi ses pairs.

Il est classique d'aller chercher à l'étranger les modèles de réussite. Le système universitaire anglo-saxon montre l'exemple dans l'excellence. Mais il existe chez nous un modèle qui prouve depuis plus de 200 ans son efficacité : les classes préparatoires et les grandes écoles. Un seul chiffre permet de témoigner de son efficacité : 10% des effectifs étudiants à l'entrée, 20% des diplômés de l'enseignement supérieur à bac +3 [2]. Ils sont en effets 92% à atteindre le niveau Licence et 75% d'entre eux atteignent le niveau Master (toutes filières confondues). Ce modèle méritocratique repose avant tout sur une réalité : la sélection à l'entrée. Double même, puisque les candidats sont sélectionnés sur dossier avant l'entrée en classe préparatoire, puis sur concours avant l'entrée dans une des grandes écoles normales, d'ingénieur ou de commerce.

En classe préparatoire, il est vrai que ces étudiants bénéficient d'une dépense publique supérieure, de l'ordre de 2 fois les montants consacrés aux étudiants d'université [3]. Mais 80% de ce surcoût est dû aux salaires plus élevés des professeurs. En effet, les professeurs sélectionnés dans les classes préparatoires sont mieux payés, car faisant partie des meilleurs professeurs.

Dans les grandes écoles, les modèles sont variés, mais en règle générale, elles bénéficient d'une autonomie de gestion qui leur permet d'attirer des professeurs prestigieux, bénéfice qu'elles n'hésitent pas à faire payer dans les droits d'inscription. En effet, pour attirer les meilleurs professeurs et mettre en place les meilleurs programmes pédagogiques, il faut des moyens. A Sciences Po par exemple, modèle d'innovation, les frais de scolarité sont élevés. Ce qui n'empêche pas de les moduler à la baisse pour les plus défavorisés.

La réforme des universités ne voit qu'un aspect du modèle qui fait la réussite de nos grandes écoles ou des prestigieuses universités étrangères : l'autonomie de gestion. Malheureusement, elle oublie, pour ne pas fâcher les syndicats d'enseignants, les deux autres piliers indispensables qui tireront l'université de son marasme : la sélection à l'entrée et la liberté de fixer des droits d'inscription couvrant le coût nécessairement élevé d'un enseignement de qualité. Sans s'appuyer sur le trépied autonomie de gestion, liberté de financement, sélection des élèves et des professeurs, toute réforme de l'Université restera bancale.

[1] loi relative aux libertés et responsabilités des Universités

[2] voir les statistiques du site de l'éducation nationale : ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/dpd/ni/ni2006/ni0601.pdf.

[3] source : Comptes de l'éducation