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L'apport décisif des fonds de dotation pour le mécénat

Vers une nouvelle révolution pour l'intérêt général ?

Qui sait que la France dispose désormais de l'un des régimes juridique et fiscal les plus performants au monde en matière de mécénat ?
Qui réalise que, depuis 2003, les réformes engagées dans ce domaine ont été importantes et ouvrent de très intéressantes perspectives pour ceux qui jugent nécessaire de favoriser les initiatives individuelles servant l'intérêt général ?

En permettant aux particuliers et aux entreprises, dans des conditions toujours plus avantageuses, de décider de l'affectation directe d'une partie (désormais significative) de leurs impôts (IRPP, impôt sur les sociétés et depuis 2007, impôt de solidarité sur la fortune) à des œuvres d'intérêt général ou d'utilité publique, les règles fiscales françaises ont indéniablement favorisé un intérêt plus grand pour la création de telles œuvres.

L'institution récente des fonds de dotation dans le droit positif français (cf. article 140 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie et décret n° 2009-158 du 11 février 2009, JO du 13) parachève une lente évolution juridique commencée en 1987 (avec la loi de 1987 qui avait donné un cadre juridique aux fondations et réformé le régime du mécénat) et constitue une réforme majeure, dont il faut se féliciter. Se pose ainsi désormais la question de savoir si la loi du 4 août 2008 a aboli le privilège des fondations en créant le fonds de dotation. Assurément, si l'on considère la question sous l'angle de la capacité juridique et fiscale de ce nouvel être juridique.

Comme l'a d'ailleurs confirmé le Gouvernement, dont l'objectif affiché est d'attirer des financements privés vers des œuvres d'intérêt général, les rédacteurs du texte « ont fait leur marché » pour créer un instrument offrant à la fois les avantages de l'association (simplicité) et ceux de la fondation (capacité). Les personnes souhaitant fonder des œuvres d'intérêt général disposent, depuis 2008, d'une plus grande liberté pour la collecte des fonds privés notamment.

Qu'est-ce que le fonds de dotation ?

Il s'agit d'« une personne morale de droit privé à but non lucratif qui reçoit et gère, en les capitalisant, des biens et droits de toute nature qui lui sont apportés à titre gratuit et irrévocable et utilise les revenus de la capitalisation en vue de la réalisation d'une œuvre ou d'une mission d'intérêt général ou les redistribuent pour assister une personne morale à but non lucratif dans l'accomplissement de ses œuvres et de ses missions d'intérêt général » (cf. article 140 de la loi précitée).

Conçu en vue de distribuer les revenus de sa dotation en capital à des œuvres d'intérêt général, le fonds de dotation peut aussi conduire lui-même, grâce à ses revenus (et aux dons et legs qu'il peut recevoir), des actions opérationnelles : gestion d'un centre social, conduite d'activités sportives, gestion d'un musée, d'une chaire d'enseignement, restauration d'un élément du patrimoine (comme une chapelle par exemple), etc.
C'est cette capacité à conduire lui-même des activités et non à simplement distribuer des subventions privées, qui fait du fonds de dotation un « concurrent » des associations (même si, selon les précisions données par le Gouvernement, il n'a pas vocation à accueillir d'autres membres que ses fondateurs et administrateurs).

Plus simple à constituer qu'une association (puisqu'il peut être créé par une seule personne physique ou morale, par simple déclaration auprès de la préfecture de département dont dépend le siège du fonds), le fonds de dotation jouit d'une plus grande capacité juridique que les fondations et associations reconnues d'utilité publique (puisque les donations et legs qui lui sont consentis n'ont pas à être déclarés en préfecture).

Dès lors, les associations (qui ne peuvent recevoir que des dons manuels et ne bénéficient pas de la grande capacité juridique leur permettant de recevoir des donations et des legs) pourront constituer un fonds de dotation, seules ou à plusieurs, en vue de recevoir « indirectement » des donations et des legs.

Le fonds de dotation offre également aux mécènes un cadre fiscal presque équivalent à celui des fondations : s'il est d'intérêt général (notion qui ne résulte pas d'un agrément mais qui s'apprécie, sous la responsabilité des dirigeants, par l'organisme lui-même, en fonction des dispositions du Code général des impôts, comme pour les associations et fondations), les dons qu'il recevra seront déductibles de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés (mécénat). En outre, les donations et legs qui lui seront consentis seront exonérés de tout droit de mutation.

Le fonds de dotation sera exonéré des impôts commerciaux (taxe professionnelle, TVA et impôt sur les sociétés) et les revenus de son patrimoine seront également exonérés d'impôt dès lors qu'il ne consomme pas sa dotation en capital (laquelle peut être faible, voire nulle, au moment de sa constitution).

Par ailleurs et contrairement à une fondation reconnue d'utilité publique (pour l'organisation de laquelle le droit prétorien du Conseil d'État est de plus en plus contraignant), le fonds de dotation peut être contrôlé par son ou ses fondateurs. Sous cet angle, le fonds de dotation est donc assimilable à ce qui, historiquement, caractérisait la fondation.

Que conservent alors les fondations reconnues d'utilité publique ? Essentiellement le prestige que leur confère le droit exclusif d'utiliser, dans leur dénomination, le mot « fondation » et le caractère institutionnel que leur donne la reconnaissance d'utilité publique accordée par l'État, mais également , pour l'instant, la possibilité d'offrir aux personnes assujetties à l'impôt de solidarité sur la fortune une réduction dudit impôt à hauteur de 75% du montant de leur don. Par ailleurs, les fonds de dotation ne peuvent recevoir des subventions publiques (sauf autorisation donnée par arrêté ministériel) alors que les fondations peuvent librement en être les bénéficiaires.

Un instrument favorisant le développement d'œuvres libres

Indubitablement, l'institution des fonds de dotation répond à un besoin exprimé depuis de nombreuses années en France : celui de disposer de davantage de liberté pour entreprendre des actions dans le domaine social, culturel, scientifique, philanthropique, éducatif, etc.

Les outils juridiques désormais disponibles et les mesures fiscales incitatives importantes mises en place, contribuent à changer un état d'esprit qui consistait, en France, à se retourner en premier vers l'État pour prendre en charge des activités qui ne devraient pas relever de sa compétence propre. L'idée de « l'impôt choisi » (décider d'affecter une partie de ses impôts à l'œuvre d'intérêt général de son choix) participe de la volonté de rendre aux acteurs (privés) locaux et/ou spécialisés, proches du terrain, la capacité de décider ce qu'il convient de soutenir ou d'entreprendre.

L'évolution du régime juridique et fiscal français dans ce domaine, probablement motivée par un retour aux faits démontrant l'incapacité de l'État à se réformer en certains domaines, consiste finalement à rendre effectif le principe de subsidiarité, fondement d'une organisation de la société humaine respectueuse et garante de la liberté de l'homme.

À la différence d'une grande révolution, la naissance des fonds de dotation nous donne davantage de moyens pour faire, en matière politique, sociale et culturelle, le contraire de la révolution : recoudre « le tissu humain de la société française » en investissant plus facilement des terrains autrefois préemptés par l'État.

Les reçus fiscaux

L'émission de reçus fiscaux par l'organisme bénéficiaire des dons des particuliers ou des entreprises (associations, fondations, fonds de dotation) ne nécessite pas d'autorisation préalable particulière. Elle intervient sous la responsabilité des dirigeants, lesquels doivent apprécier si l'organisme est bien d'intérêt général et si son activité présente au moins l'un des caractères visés aux articles 200 et 238 bis du Code général des impôts.

Le non-respect de ces conditions peut entraîner l'assujettissement des dons aux droits de mutation à titre gratuit (60%) et le versement, par l'organisme, d'une amende de 25% du montant total figurant sur les reçus émis irrégulièrement. Il est toutefois possible de solliciter l'avis de l'administration fiscale dans le cadre d'une procédure de rescrit spécifique (cf. art. L. 80 du Livre des procédures fiscales ; instruction du 19 octobre 2004, BOI 13 L-5-04).

Lionel Devic
Avocat et directeur de la rédaction du site www.fonds-dotation.fr