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La réforme du lycée et la place de l'économie dans l'enseignement

Quelle image de l'Entreprise veut-on donner à nos jeunes ?

Luc Chatel, Ministre de l'Education nationale, présente aujourd'hui sa réforme du lycée au Conseil Supérieur de l'Education.

Dans sa réforme, une évolution importante : tous les élèves de Seconde devront choisir au moins un enseignement d'1h30 par semaine en « Sciences économiques et sociales » ou en « Economie appliquée et gestion ». Un second enseignement en économie pourra aussi être choisi si l'élève le souhaite. Chaque élève de Seconde suivra donc au moins 1h30 d'économie, au plus 3 heures. Grâce à cela, 100% des bacheliers auront demain reçu un minimum de culture économique au lycée, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.

Curieusement, les professeurs de SES (Sciences Economiques et Sociales) sont très remontés et manifestent contre la réforme. L'APSES (Association des Professeurs des Sciences Economiques et Sociales) estime en effet perdre plus de « 25% de son volume horaire SES au cours des trois ans de lycée » et considère comme un « recul de la culture économique et sociale » la réforme Chatel du lycée.

Le problème sous-jacent est qu'il y a économie et économie. Et un article de Libération d'expliquer : « Toute une partie de la droite trouve que les SES font la part trop belle aux questions sociales et à la sociologie, et qu'elles présentent une vision trop négative de l'entreprise. »
La matière « économie appliquée à la gestion » semble tellement inquiéter les gardiens de la filière SES, qu'il est utile de rappeler les conclusions de deux missions indépendantes et non partisanes menées ces dernières années sur le sujet de l'enseignement de l'économie au Lycée. Soulignons que toutes deux ont rendu des verdicts préoccupants quant à l'enseignement sur l'entreprise dans les cours de SES délivrés aux lycéens.

La commission présidée par le professeur au collège de France, Roger Guesnerie et son « Audit des manuels et programmes de sciences économiques et sociales au lycée » déplorait que « Quel que soit le niveau d'enseignement, l'entreprise est insuffisamment appréhendée comme un acteur microéconomique, soumis à des contraintes fortes et devant faire des choix pour sa survie. De ce point de vue, il est particulièrement regrettable qu'à aucun moment ne soient présentés des rudiments de comptabilité (tel que le bilan et le compte de résultat). » Et « de façon étonnante, la notion de marché n'est abordée qu'en première (alors qu'elle est indispensable pour comprendre l'environnement dans lequel évoluent les entreprises) (…) Surtout, il est particulièrement regrettable que les outils conceptuels et analytiques étudiés lorsque les « mécanismes du marché » sont abordés -et en premier lieu le raisonnement en termes d'offre et de demande- ne soient plus mobilisés. ».

Quant à elle, l'Académie des sciences Morales et Politiques, dans sa « Mission sur l'enseignement de l'économie dans les lycées » évoquait « De manière intéressante, sous l'intitulé « Connaître les principales causes du Chômage », je trouve « faiblesse de la croissance économique, importance de la population active », mais je ne trouve pas le taux de salaire, l'imposition et les charges sociales, la régulation et l'absence d'entrepreneurs. » (Citation de Sir Anthony Barnes Atkinston qui a lu les manuels de Sciences économiques au Lycée des éditions Nathan.)

Aujourd'hui, l'urgence est de faire auprès des jeunes la pédagogie sur des notions aussi simples que l'importance du dynamisme de nos entreprises pour la création d'emplois marchands. Créer sa propre entreprise est aussi un rêve que de nombreux Français chérissent sans toutefois aller jusqu'à se lancer dans l'aventure. A contrario, 75 % des jeunes répondent aujourd'hui qu'ils souhaitent trouver un emploi dans le secteur public. Alors, si un meilleur apprentissage du rôle de l'entreprise passe par un enseignement d'« économie appliquée à la gestion » en Seconde, pourquoi s'en priver ? En outre, il sera particulièrement intéressant de voir ce que choisiront les élèves de terminale ES, qui se verront proposer, pour la première fois, une spécialisation soit en « maths appliquées », soit en « sciences sociales », soit en « économie ». La concurrence a parfois le mérite d'éclairer certaines réalités, au-delà des corporatismes.

Quelles que soient les batailles de pourcentages, la question de la place de l'entreprise, et non des SES, et l'image que l'on en donnera aux élèves sera cruciale pour la France de demain. Une France de l'Etat-Providence ou une France de la création de richesses ? Rendez-vous dans 20 ans.