Entre lycée trop cher et suppression des notes au collège...
La ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud Belkasem, a pris l’initiative de modifier par décret l’évaluation des élèves des écoles et des collèges ainsi que le diplôme national du brevet. On aurait pu penser que l’urgence était d’agir sur les leviers permettant d’améliorer les résultats des élèves, c’est-à-dire les performances et les résultats de « l’école de la République », mais force est de constater qu’il n’en est rien.
La réforme de l’évaluation des élèves prend la forme d’un « livret scolaire numérique » qui suivra l’élève durant toute sa « scolarité obligatoire ». Le contenu de ce livret fait actuellement débat dans l’opinion publique. Nombre de parents d’élèves et de professeurs restent perplexes devant des disciplines ou des matières devenues « domaines d’enseignement » ou devant des contenus comme « questionner le monde ». D’autres s’émeuvent de l’apparition de 4 « niveaux de maîtrise » du socle commun et de l’absence de référence à une notation de 0 à 20.
Le Diplôme national du brevet quant à lui, est réformé par l’introduction d’une épreuve orale « d’enseignement pratique interdisciplinaire » et par une dilution des matières clefs, bases des évaluations nationales et internationales des adolescents : le français et les mathématiques. Dans ces conditions, le brevet, déjà réussi à plus de 85% devrait l’être prochainement à 100%... et son coût devrait augmenter significativement car une épreuve orale pour 700.000 collégiens est très onéreuse.
L’objectif politique de la ministre est d’ores et déjà atteint : produire du « bruit de fond » et donner des gages à l’aile pédagogiste des syndicats enseignants, aux « gardiens du temple » idéologiques. Qui croit sérieusement qu’un gouvernement issu de l’alternance, si élu au printemps 2017, ne supprimera pas d’un trait de plume ces réformes ? Alors on imagine le zèle des professeurs et des chefs d’établissement à appliquer en septembre 2016 une réforme qui a tout au plus six mois d’espérance de vie devant elle…
Il s’agit bien d’un écran de fumée : casser le thermomètre pour ne pas voir la fièvre et l’échec qui gangrènent le système éducatif, remplacer une « notation-sanction », c’est-à-dire la notation de 0 à 20, (propos publics de la ministre) par une évaluation « bienveillante et positive » encadrée nationalement. Après la disparition discrète des évaluations nationales des performances des élèves de CE1 et de CM2, réalisée dès 2012, on retrouve là les principaux ingrédients de ce quinquennat en matière de politique éducative : démagogie, angélisme et dirigisme (décrets, règles nationales, orientations pédagogiques, etc).
Hélas, les réalités sont têtues et la Cour des comptes vient de le rappeler vertement au gouvernement. Le lycée « de la République » coûte fort cher pour une efficacité plus que contestable (voir encadré). Voici une manière très républicaine de ramener le débat à ses vrais enjeux : où sont les réformes susceptibles de produire des élèves mieux instruits, plus performants et moins de décrocheurs ? Comment sortir de la spirale infernale qui fait sortir tous les ans 120.000 jeunes sans aucune qualification ni diplôme (sauf ce malheureux DNB) du système éducatif ? Comment remédier au fait que près de 10% des jeunes de 17 ans sont considérés comme illettrés après les tests des journées Défense et Citoyenneté ?
C’est avec ces indicateurs désastreux devant les yeux que le gouvernement aurait pu, à moindre coût, réformer en profondeur le système éducatif et engranger des progrès rapides. Une réforme du brevet, une réforme de la gestion des moyens et de la gouvernance du second degré, associée à une réforme des métiers de l’enseignement.
- Réformer le brevet c’est non pas le banaliser et le dévaluer davantage encore qu’il ne l’est aujourd’hui, c’est au contraire en faire un enjeu scolaire et social. C’est le calibrer pour qu’il soit à la fois une validation de la maîtrise des connaissances et compétences du socle commun et un examen de passage et d’orientation vers le lycée.
- Les emplois du second degré sont indifférenciés au sein du programme 141 de la loi de Finances. Or, le collège est, depuis la loi « FILLON » de 2005 instituant le socle commun, le dernier échelon de ce qui est de facto « l’école du socle », qui va du CP à la 3ème. Il ne serait pas difficile de transformer le programme 140 (enseignement primaire) en programme « acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture » incluant budgétairement l’école et le collège. Le programme du second degré serait simplement celui du lycée. Ceci permettrait à la représentation nationale de calibrer elle-même chaque programme et d’établir ses priorités stratégiques pour les différents degrés de notre école.
Pourquoi n’est-ce pas fait ? Parce qu’il faudrait alors poser la redoutable question des services des enseignants des écoles et des collèges, parce que de multiples intérêts corporatistes s’y opposent, que ce gouvernement ne veut en aucun cas contrarier.
Rendre les lycées plus performants ? Il suffit de relire le rapport de 2013 de la Cour des comptes pour avoir une « feuille de route » de la réforme : les obligations réglementaires de service des professeurs sont définies par des décrets de 1950. Leur récent toilettage n’a été qu’une opération cosmétique puisque l’on n’a pas avancé en matière de globalisation et d’annualisation des services, ni réduit les coûteuses décharges, ni amélioré l’évaluation des enseignants. Il s’en suit que l’autonomie des établissements reste un vœu pieu. Tant que les chefs d’établissement n’auront pas la possibilité de globaliser et d’annualiser les services des professeurs, de gérer eux-mêmes leur masse salariale, de recruter des professeurs sur projet et sur profil, de les rémunérer au mérite, rien ne bougera en matière de résultats du système éducatif.
Mais le gouvernement a-t-il jamais sérieusement envisagé de réformer en profondeur notre école ? La « refondation » du précédent ministre, Vincent Peillon, aura été vite occultée par le décret sur les rythmes scolaires. L’école primaire fonctionne aujourd’hui moins bien qu’hier, les élèves y reçoivent encore moins d’enseignement, moins d’aide individualisée et l’inégalité devant les activités pédagogiques complémentaires et autres occupations périscolaires n’a jamais été aussi grande.
Le Premier ministre continue cependant d’affirmer qu’avec 60.000 créations d’emplois sur le quinquennat, la priorité à l’éducation est démontrée. La Cour des comptes a montré en 2013 qu’il n’en était rien. Chacun sait aujourd’hui que ces 60.000 emplois sont largement consommés par le rétablissement de la machine de formatage idéologique que sont les écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE), copies conformes des IUFM, tant décriés. Le reste est versé dans le tonneau des danaïdes des quelque 72.000 unités éducatives (écoles, collèges, lycées) que compte notre pays. L’effet sur le taux d’encadrement, sur le nombre moyen d’élèves par professeur, est nul et tout cet argent public n’aura produit aucune amélioration de notre enseignement ni des performances de nos élèves.
Devant ce bilan, engager la polémique à propos de la notation des élèves, ressemble beaucoup à une opération de diversion, à l'un de ces fameux « écrans de fumée » dont le gouvernement s’est fait dans bien des domaines une véritable spécialité.
Le coût du lycée, le dernier rapport thématique de la Cour des comptes Depuis plusieurs années, la Cour des comptes revient sur la gestion de l’éducation nationale (gestion RH des enseignants, réforme du statut, formation, suivi spécialisé,…) en soulignant les mêmes dysfonctionnements. De cette dernière étude, se dégagent plusieurs conclusions sur le lycée :
Une dernière conclusion serait que l’objectif d’amener 80% d’une classe d’âge au baccalauréat a été très rapidement atteint - au vu de la durée d’existence du lycée moderne (une cinquantaine d’années). En 2014, 77% d’une classe d’âge a obtenu le baccalauréat et ce taux monte à 83,4% validant un diplôme, si l’on intègre les élèves dans un cursus en agriculture et en apprentissage. Cela place la France dans la moyenne de l'OCDE bien que toujours en dessous de la moyenne européenne... d'autant que la qualité des acquis n'a pas réussi à suivre puisque "les résultats en termes de réussite dans les études post-bac ou d’insertion sur le marché du travail des bacheliers professionnels ressortent comme très moyens". Les propositions de la Cour :
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