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Éducation : « Décentralisation et autonomie ne sont pas encore la règle »

Tous les mercredis, avant le Conseil des ministres, Le Macronomètre, l'observatoire des réformes du gouvernement, lancé par la Fondation iFRAP, attribue une note aux réformes d'Emmanuel Macron. La note de la semaine du Macronomètre est présentée dans le Figaro. Cette semaine : 6/10 sur le projet de réforme de l'Education.

Il n'y aura pas de grande loi sur l'École, nous disait Jean-Michel Blanquer en début de quinquennat… Et pourtant, une loi « pour une école de la confiance » a été présentée début décembre. Passée presque inaperçue en raison des « gilets jaunes » qui ont largement éclipsé cette actualité, le texte compte quelques mesures importantes.

Le projet commence par le rappel suivant : « les personnels de la communauté éducative contribuent à l'établissement du lien de confiance » entre les élèves, leur famille et l'Éducation nationale, mais « ce lien implique également le respect des élèves et de leur famille à l'égard de l'institution scolaire et de l'ensemble de ses personnels ». Comme une réponse aux enseignants qui, en septembre, avaient mis en lumière le manque de soutien de leur hiérarchie face à des élèves et des parents virulents. Si ce rappel est une bonne chose, il faut regretter que la loi n'aille pas plus loin… pourtant Jean-Michel Blanquer avait lui-même évoqué l'idée de sanctions plus sévères à l'encontre des élèves difficiles et de leurs parents pour plus de responsabilisation (comme la possibilité de suspendre les allocations familiales). Un plan de lutte contre les violences à l'école sur ce sujet devait être présenté en décembre mais est maintenant décalé à début 2019.

Obligation d'instruction dès trois ans

Suit ensuite la mesure phare du texte si on en croit le gouvernement : l'obligation de l'instruction dès trois ans. Déjà 98,9% des enfants de trois ans sont scolarisés en France mais leur taux de scolarisation dans les DOM peut tomber autour de 85% (en Guyane et à Mayotte) : 26.000 enfants seraient concernés. Cette mesure permet au gouvernement de marquer le coup de la « priorité au premier degré » et en conséquence, des moyens supplémentaires vont être accordés au premier degré (sous-doté par rapport au second degré). Les collectivités, elles, auront l'obligation de soutenir les dépenses de fonctionnement des écoles maternelles privées. Une bonne proposition, car l'enseignement privé dépense systématiquement moins, et ce pour les mêmes missions que l'enseignement public.

Du côté du fonctionnement, le gouvernement prend une série de mesures qui vont faire du bruit car la loi organise la politique d'évaluation des établissements par la création d'un conseil d'évaluation de l'école : une promesse d'Emmanuel Macron et une mesure qui irrite les syndicats, qui y voient une « mise en concurrence ». Elle permettra pourtant de créer de la transparence sur l'état du système éducatif. Autre sujet de discorde : le renforcement du contrôle du ministère de l'Éducation sur les ESPE, organismes de formation des enseignants, qui deviennent des Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation. Désormais, ce sera le ministère de l'Éducation nationale qui décidera du référentiel de formation tandis que les directeurs seront recrutés après audition par un comité présidé par le recteur et le président de l'établissement de rattachement de l'institut. Le projet propose aussi le développement du pré-recrutement en donnant aux assistants d'éducation, qui sont en cours de formation enseignante, des fonctions pédagogiques et d'enseignement au sein des établissements. Une mesure... encore une fois dénoncée par les syndicats qui y voient une atteinte au statut public.

La loi confirme aussi la « régionalisation » des rectorats pour le 1er janvier 2020. Une rationalisation bienvenue qui devrait permettre de réduire le nombre de rectorats, de 17 à 13, et d'académies (30 académies et 97 services départementaux de l'Éducation nationale). Cette réorganisation des contours et du fonctionnement des académies doit se faire par ordonnance.

Plus de flexibilité

Enfin, deux mesures structurelles terminent le projet et devraient permettre de donner plus de flexibilité et de poids aux acteurs locaux, notamment les communes et les directeurs d'établissements.

  • La première autorise les collectivités territoriales à créer des établissements publics locaux d'enseignement international sur le modèle de l'école européenne de Strasbourg ;
  • La seconde facilite la conduite d'expérimentations dans les établissements. Ces expérimentations permettent aux établissements de déroger au Code de l'éducation sur un périmètre qui est désormais élargi… et qui pourra modifier l'organisation pédagogique, la répartition des heures d'enseignement ou encore les procédures d'orientation des élèves, etc. Ces expérimentations seront limitées à une durée de cinq ans avant une évaluation qui déterminera l'abandon ou le renouvellement.

Ainsi, s'il apparaît que le gouvernement et le ministre de l'Éducation vont toujours plus loin dans leurs discours que dans les réalisations, cette loi (un peu fourre-tout) présente quelques bonnes pistes pour rationaliser la formation des enseignants, l'organisation des services déconcentrés de l'État et autoriser les expérimentations. De bonnes bases, donc, même si la décentralisation et l'autonomie ne sont pas encore la règle. 6/10