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Double tirage au sort à l’université : l’égalitarisme toxique

Vouloir régler la question de la sélection dans les universités françaises, en précipitation, 6 jours après l’élection présidentielle par une ministre sur le départ et suite à un quinquennat plus que tumultueux sur les questions d’éducation nationale : voilà un mélange qui n’inspire pas confiance. 

Pour les étudiants et leurs familles, et aussi pour les établissements d’enseignement supérieur, le système « Admission post bac » dans lequel les futurs bacheliers doivent entrer leurs souhaits apparaît déjà comme très aléatoire. Sachant que 780.000 étudiants émettent chacun jusqu’à 24 choix avant le 20 mars, la probabilité que les vœux de chacun soient satisfaits de façon optimale est faible. Mais même ceux qui croient avoir obtenu l’un de leurs choix risquent   d’être confrontés à une seconde épreuve : si le nombre de candidats dépasse finalement les places disponibles dans leur université, les heureux élus seront tirés au sort !

Si la pratique (contestée par les étudiants) est effective dans une trentaine d’université, elle vient d’être confirmée, le 27 avril 2017 par une instruction de l’ex ministre de l’Éducation nationale. La ministre s’est défendue en affirmant avoir voulu encadrer une pratique existante mais le calendrier précipité intrigue et un recours devant le Conseil d’Etat a été lancé.

Une procédure plus fréquente en sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) mais aussi dans des cursus demandés comme cinéma, langues étrangères appliquées, psychologie ou administration économique et sociale. Une conséquence de la réforme de l’autonomie des universités restée inachevée, interdisant à la plupart des universités de mettre en place une sélection intelligente tenant compte des débouchés et du niveau des étudiants, des droits d’inscription significatifs, et un système efficace de bourses et de prêts.    

Quand elles en arrivent à cette extrémité, les universités sont dans une impasse

Dans les filières qui réclament des moyens individualisés (postes de travail, activités pratiques, places dans les gymnases), elles s’en remettent au hasard, mais dans de nombreuses autres, les étudiants sont simplement « entassés » et privés du suivi individuel nécessaire. Une méthode financièrement rentable pour ces établissements, mais qui conduit trop d’étudiants à l’échec.  

La situation dans laquelle se trouvent les universités ne peut s’expliquer que de trois façons :

  1. Soit les universités n’ont pas créé assez de places pour des filières qui ont des débouchés ;
  2. Soit il y a trop de candidats pour des filières qui n’ont pas de débouchés ;
  3. Soit il y trop de candidats qui n’ont pas le niveau requis.

Dans les cas 1, les universités n’ont pas rempli leurs objectifs. C’est le cas pour la médecine, suite aux décisions de l’État, puisque le nombre de médecins formés chaque année avait été réduit de 7.500 à 3.500. Une baisse étrange alors que les universités avaient la capacité de continuer à en former 7.500, et qui conduit des étudiants français à aller se former à l’étranger (Roumanie, Canada, Portugal), et les hôpitaux et des communes à recruter de nombreux médecins étrangers.  C’est aussi vrai pour les filières scientifiques comme celles du traitement de l’information et des télécommunications (IT) où la pénurie persiste en France depuis un demi-siècle, et conduit des entrepreneurs privés à ouvrir des formations innovantes (ex. projet 42 de Xavier Niel).

Dans le cas 2, l’absence de débouchés concerne un nombre important de filières et il est choquant que des étudiants et des universités gaspillent des ressources pour former de futurs chômeurs. Un système d’autant plus négatif que les étudiants d’origine modeste sont souvent les moins bien informés sur les bonnes filières.

Le troisième cas, celui du niveau de certains étudiants, est souligné par des présidents d’université qui citent des notes moyennes de 0,5 à 2. Une affectation qui s’avère inefficace pour les étudiants et les filières concernés, et révoltante pour les étudiants qui n’ont pas obtenu la filière souhaitée et qui constatent que dès janvier, de nombreux étudiants trop faibles ou trop peu motivés abandonnent leurs études.     

Et l’étranger ? Le recours au tirage au sort existe pour la filière médecine, en Belgique, mais seulement pour sélectionner les étudiants étrangers soumis à des quotas (notamment les très nombreux étudiants français qui ne trouvent pas de places dans nos universités). Une situation d’urgence en Belgique donc… que la France est en train de généraliser faute de réformes et de recherches de solutions intelligentes. Le mode de sélection britannique devrait pourtant nous attirer puisqu’il propose une double sélection : une première phase proche du système « Admission post bac », suivi d’une seconde phase à l’appréciation des universités qui sont libres de sélectionner les étudiants sur dossier, lettre de motivation, entretien ou concours.

Conclusion

Au lieu de vouloir tout régenter depuis Paris par un système d’affectation centralisé, les différents établissements doivent retrouver leur liberté de recruter les candidats qu’ils souhaitent en fonction de leur projet d’établissement et de leur capacité. Cela fonctionne très bien dans les rares universités « libres » comme Paris Dauphine ou l’Université technologique de Compiègne. La fiction d’un niveau identique entre toutes les filières de tous les établissements du pays sera certes officiellement mise à mal. Mais, à moins de pousser l’égalitarisme jusqu’au recrutement des professeurs aussi par tirage au sort, c’est inévitable.