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Départs volontaires chez Renault : les grandes entreprises peuvent, et savent faire

Renault annonce ce mois-ci la suppression en France de 3.000 emplois, plus environ 1.000 à l'usine de Sandouville. Ceci après avoir en avril approuvé des comptes faisant ressortir un résultat de près de 2,7 Mds d'euros et distribué un dividende confortable. Mais entre-temps le marché s'est retourné et l'année 2009 devrait être « en net déclin », certains évoquant même l'idée que Renault, aussi bien d'ailleurs que PSA, lutteraient pour leur « survie ». PSA a récemment réduit fortement ses emplois, Volvo vient d'annoncer 3.300 suppressions de postes, sans parler des constructeurs américains. La menace de disparition n'a rien de théorique.

Malgré cela, si on appliquait au cas de Renault les principes fixés par la jurisprudence de la Cour de cassation, l'entreprise ne serait pas en droit de prétendre à licencier pour cause économique, car jusqu'à présent elle dégage des profits. Et pourtant on ne saurait reprocher à Carlos Ghosn d'anticiper sur un avenir où Renault jouerait sa survie à plus ou moins long terme.

Mais les tribunaux ne seront pas saisis de la question, car, dans ces grandes entreprises, les syndicats négocient. Renault procèdera en effet par voie de départs volontaires, et si les syndicats montrent leurs muscles, c'est pour négocier de meilleures conditions. Ils y sont apparemment parvenus, puisque le dernier plan prévoit des conditions de départ alléchantes : un salarié partant pour démarrer un projet professionnel ou personnel aura droit à une indemnité spéciale de six mois de salaire, plus une assistance technique, plus 12.000 euros plus 3.000 euros par salarié de Renault embauché. S'il part à la retraite, l'indemnité spéciale sera de trois mois plus un rachat de cotisations allant jusqu'à douze trimestres. Sinon un congé de reclassement sera versé pendant les neuf mois normaux plus trois mois supplémentaires. Enfin une aide au retour dans le pays d'origine donnera droit à une indemnité comprise entre 15 et 24 mois de salaire. S'il s'agit du site de Sandouville, les syndicats ont encore obtenu que les conditions ci-dessus soient améliorées.

Il est heureux que Renault soit en assez bonne santé financière – grâce aux bénéfices « capitalistes » accumulés - pour permettre une telle indemnisation dans une situation où l'environnement macroéconomique aussi bien que la crise spécifique de l'automobile rendent inéluctables les mesures de réduction des effectifs. Les syndicats ne méconnaissent pas non plus ce caractère inéluctable.

Mais ce qui est possible pour les grandes entreprises ne l'est pas pour les PME, qui n'ont ni les moyens financiers ni le volant de salariés volontaires nécessaires pour traiter de la même façon le problème des sureffectifs. Il leur faut licencier, et donc en passer par les exigences légales.

L'application de la loi n'est finalement pas la même pour tous, et sa rigueur pénalise ceux qu'elle devrait laisser libres de s'adapter. La crise s'imposera peut-être comme un cas de force majeure en ouvrant les yeux des tribunaux, voire du législateur sur l'instabilité foncière et inévitable de l'économie et de la situation des entreprises, et sur la nécessité de permettre cette adaptation permanente et rapide. Souhaitons qu'il ne soit pas trop tard pour ces entreprises.