Actualité

Ce que disent la loi et les tribunaux sur le droit de licencier pour motif personnel

Par opposition au licenciement économique, le licenciement pour motif personnel signifie que l'employeur fait état d'une situation « inhérente à la personne » d'un salarié. L'appréciation de la « cause réelle et sérieuse » du licenciement suppose alors la recherche du comportement individuel. On pourrait penser que, selon une formule consacrée, l'employeur serait seul juge de sa décision, sauf à en devoir indiquer le motif et sauf pour le juge judiciaire à pouvoir vérifier la réalité du motif invoqué et son caractère autorisé.

Dans la réalité judiciaire, le juge va beaucoup plus loin : il vérifie si le licenciement est «  fondé sur des éléments objectifs et imputables au salarié ». Dès lors qu'existe ce critère d'imputabilité, très proche de celui de la faute, la charge de la preuve repose sur l'employeur, et le juge se substitue en outre à ce dernier pour déterminer si la gravité des faits invoqués est suffisante pour justifier le licenciement.

Voici, à titre d'exemple, ce qu'il en est du motif professionnel. L'insuffisance professionnelle doit être établie par des faits précis dont l'employeur doit apporter la preuve ; elle ne peut être invoquée à l'encontre d'un salarié dont l'employeur connaissait les capacités limitées (ce qui interdit en fait toute promotion) encore si l'employeur «  n'a pas satisfait à son obligation d'adapter le salarié à l'évolution de son emploi ». Le grief d'insuffisance de résultats ne prive pas le juge d'effectuer les mêmes recherches, même si les résultats étaient contractuellement fixés, étant aussi entendu que leur fixation unilatérale par l'employeur leur ôte toute valeur, de même encore si les objectifs, même fixés d'un commun accord, se révèlent irréalisables. Il y a, au niveau de la Cour de cassation, débat et décisions contradictoires sur le point de savoir si l'employeur doit prouver que l'insuffisance des résultats est le fait du salarié, comme sur l'exigence que les objectifs aient été pré-indiqués dans un document contractuel…

Jurisprudence compliquée, extrêmement exigeante pour l'employeur quant à la préconstitution des preuves et à la gravité du motif, et pour couronner le tout, incertaine du fait des subtilités évolutives des raisonnements de la Cour de cassation. Et si les preuves ne sont pas apportées ou la gravité des faits est insuffisante, le licenciement devient automatiquement abusif avec 6 mois additionnels d'indemnité tout aussi automatiquement accordés. Il est de bon ton dans tous les cénacles de déplorer les incertitudes du droit, mais jamais on ne parvient à la conclusion que le remède ne peut résider que dans la réduction du périmètre de l'intervention du juge.

La stabilité des emplois, plus que leur création, étant l'obsession des juges autant que du législateur, on en arrive à des situations aberrantes, comme lorsqu'il a fallu aller jusqu'en cassation pour faire admettre qu'un veilleur de nuit qui s'endort sur son lieu de travail peut être légitimement licencié…