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Vers le retour du ras-le-bol fiscal en 2019

Même la Commission européenne commence à sourciller au sujet du budget de la France pour 2019. Où sont les économies structurelles que demande Bruxelles ? Les Français aussi ont de quoi s'inquiéter car, en matière de baisse des dépenses publiques et de diminution des impôts, ce budget se caractérise par son minimalisme. Très loin des alléchantes annonces du gouvernement.

Cette tribune a été publiée sur le Figaro, mercredi 24 octobre 2018. A consulter, en cliquant ici.

Trois chiffres ont été largement commentés : celui de 6 milliards d'euros de pouvoir d'achat en plus pour les ménages en 2019 grâce aux baisses d'impôts ; celui de 20 milliards d'impôts en moins pour les entreprises ; et celui d'un déficit public maintenu à 1,9 % du PIB «hors mesures exceptionnelles». Or, ces trois chiffres clés de la communication du gouvernement posent problème.

Au cœur du plan de communication de l'exécutif se trouvent les 6 milliards de pouvoir d'achat censés être rendus aux Français en 2019. L'évaluation du gouvernement est tout bonnement incroyable. Saluons bien sûr la baisse de la taxe d'habitation pour une partie des contribuables (à hauteur de 3,8 milliards), mais il faut souligner les hausses de la taxe d'habitation et de la taxe foncière qu'on observe, dans beaucoup de nos territoires, pour ceux qui continuent de les payer.

En outre, s'agissant du «gain» de pouvoir d'achat de 4,1 milliards qui serait réalisé grâce à la baisse de charges en contrepartie de la hausse de la CSG, la présentation faite par le gouvernement est d'une rare duplicité : il s'agit en réalité de 4,1 milliards prélevés en moins par rapport à des impôts qui avaient augmenté de 4,4 milliards en 2018, justement à cause d'une hausse immédiate de la CSG tandis que la baisse des cotisations avait lieu en deux temps. On croit rêver quand on voit ces décisions présentées comme une baisse des impôts. De plus, les recettes de CSG passent de 91 milliards en 2017 à 119 milliards en 2019. De surcroît, les ménages vont payer l'an prochain 2 milliards de taxes en plus sur les carburants, soi-disant pour la transition écologique, ce qui fait dire, même à Ségolène Royal, qu'on renoue avec le «matraquage fiscal».

Pour tout arranger, le gouvernement ne prend pas en compte le 1,8 milliard d'augmentation des cotisations de retraites complémentaires. En regardant honnêtement les chiffres, on voit bien que les 6 milliards de baisses d'impôts n'existent pas.

Le prélèvement à la source va ajouter son zeste d'alourdissement fiscal. Les recettes d'impôts sur le revenu, officiellement de 70 milliards en 2019, seront en fait de 76 milliards cette année-là. En effet, 6 milliards d'impôts prélevés sur la fiche de paie des Français en décembre 2019 ne seront enregistrés dans les recettes qu'en 2020. Complexité, quand tu nous tiens…

Du côté des entreprises, la situation n'est pas plus satisfaisante. Le gouvernement indique que la transformation du CICE en allègement de cotisations sociales employeurs va «abaisser les prélèvements obligatoires de 20,4 milliards d'euros». Mais la réalité est plus complexe. Cette baisse de 20,4 milliards est le résultat d'une créance due aux entreprises sur les années fiscales précédentes. Il s'agit donc d'une baisse conjoncturelle, pendant un an, et non pérenne.

La hausse d'impôt sur les sociétés due à la transformation du CICE en baisse de charges sera même supérieure, en 2019, à la diminution du taux d'impôt sur les sociétés (2,5 milliards contre 2,4 milliards). De plus, le décalage des baisses de charges, décidé à la dernière minute, va coûter 2,5 milliards aux entreprises. Pire, quand on décortique le détail des impôts pesant sur nos entreprises, il apparaît que les impôts sur la production vont augmenter en 2019 de 4 à 5 milliards d'euros (par rapport au même budget à politique fiscale inchangée), alors que ce sont eux qui plombent la compétitivité de nos entreprises.

Autre chiffre brandi pour nous rassurer mais qui peut nous inquiéter : celui de 1,9 % de déficit public de la France par rapport au PIB «hors mesures exceptionnelles». Comment y arrive-t-on alors que le déficit de l'État est de 98,7 milliards d'euros, soit environ 4 % du PIB ? Pour amoindrir le déficit public, le gouvernement escompte des comptes des collectivités locales et de la Sécurité sociale à l'équilibre, voire en léger excédent. Mais on a du mal à retrouver ces bonnes prévisions dans le détail des comptes, en déficit pour l'Unedic, pour le fonds de solidarité vieillesse, pour l'assurance-maladie… Les excédents annoncés pour les retraites complémentaires (3,8 milliards, largement surestimés) et pour la caisse d'amortissement de la dette sociale (15,5 milliards) sont eux techniques et donc en partie virtuels.

Quant à la baisse des dépenses publiques, elle est quasi inexistante. Au lieu de supprimer ne serait-ce que 4.164 modestes postes pour l'État et ses satellites, le gouvernement autorise 1.322 postes supplémentaires dans ses plafonds d'emplois. Autrement dit, le budget 2019 autorise les ministères à recruter plus qu'en 2018 ! En 2019, la dépense de masse salariale de l'État va continuer d'augmenter pour dépasser les 88 milliards. Au total, la dépense publique devrait augmenter l'an prochain de 22 milliards (et elle aura crû de 29 milliards en 2018).

Afin de paraître baisser les dépenses, le gouvernement utilise la vieille technique du rabot avec la désindexation des retraites. Quant à la réforme structurelle des retraites, elle se fera… en 2025. D'ici là, les retraités du privé auront un malus sur leurs pensions s'ils partent avant 63 ans tandis que les agents de nos services publics continueront de partir à 62 ans, voire à 55 ou 57 ans pour les catégories actives de l'État ou les roulants de nos cheminots. Bref, les économies imposées au privé financeront les déficits des retraites du public et des régimes spéciaux.

Où sont passés les objectifs de vraies baisses d'impôts, de diminution sincère des dépenses, d'authentique réduction du déficit public? Disparus.

Ne nous étonnons pas, dès lors, que le chômage reste élevé, que la croissance faiblisse et que la dette gonfle. Quant au ras-le-bol fiscal, il n'est pas loin. Surtout quand on voit réapparaître, à l'Assemblée, au sein même des députés En marche, l'idée catastrophique d'instituer par petites touches une CSG progressive.