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Une loi de validation inique : la limitation de la correction symétrique des bilans

On sait qu'il existe un principe constant de notre droit fiscal de prescription triennale, hors les cas de fraudes manifestes (10 ans) ou d'activités occultes non frauduleuses (6 ans). Lors d'un contrôle fiscal, le vérificateur ne peut donc examiner les comptes sur les années antérieures à l'année n-3 réputées prescrites. Mais l'administration utilise une astuce pour avoir le droit de remonter plus avant dans son contrôle des comptes. En effet, elle a le droit de contrôler le bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit (1er janvier) de l'année n-3, c'est-à-dire le symétrique exact du bilan de clôture du premier exercice prescrit de l'année n-4 et d'examiner les pièces correspondantes à des anomalies situées au sein de la période prescrite. L'administration parvient donc a transpercer le principe de prescription. Elle utilise donc à l'encontre du contribuable des erreurs s'étant reproduites mécaniquement au sein des écritures comptables de bilan en bilan jusqu'aux exercices non prescrits.

Afin de ne pas être accusée de ce forfait, l'administration se borne toutefois à redresser le bilan de la première année non prescrite en opposant au contribuable qui proposerait de bonne foi la correction de son erreur, l'intangibilité du bilan d'ouverture de ce premier exercice non prescrit.

Or, par un arrêt du 7 juillet 2004, rendu en assemblée plénière, le Conseil d'Etat est revenu sur le principe d'intangibilité pourtant constant dans sa jurisprudence depuis 1973, pour autoriser la régularisation des erreurs situées au sein des bilans des exercices prescrits avec pour résultat un effet de neutralité fiscale sur les exercices vérifiés.

C'était compter sans Bercy qui intègre les erreurs vénielles des contribuables pour boucler ses budgets, et le Ministre des finances auditionné par la Commission des Finances du Sénat le 17 décembre 2004 n'a pas hésité à mettre en avant le manque à gagner que constituerait le refus de l'article 43 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2004 revenant sur la jurisprudence de la Haute Cour : 1,5 milliard €/an soit 4 milliards compte tenu des vérifications passées. Il n'en faudra pas plus pour emporter la décision de la Commission des Finances du Sénat, malgré les amendements courageux du rapporteur lui-même, Philippe Marini, et des sénateurs Longuet et Cambon. Tout au plus le sénateur Marini put-il remarquer amèrement que la DLF ne les avait informés qu'en décembre, alors même qu'elle travaillait sur le sujet depuis septembre. Encore une preuve que l'information du Parlement n'était sans doute pas une priorité !