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Taxation du foncier : une baisse des impôts nécessaire

L’atonie de la construction privée pourrait bien être liée à notre sur-taxation française du foncier, qui risque encore d’augmenter, dans les prochaines années, puisque les caisses publiques sont vides et que le foncier n’est, par définition, pas délocalisable.

A ces perspectives incertaines s’ajoute le poids, en France, des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), qui contribuent à amoindrir   la mobilité des Français, donc l’efficacité de l’offre de travail par rapport à la demande (employeur) et donc à ralentir le volume des ventes de logements (y compris neufs(1)). Prenons un exemple concret.

Investir pour louer : un retour sur investissement moins important que prévu

Un couple a acheté un logement à usage locatif d’une valeur de 160 000 euros au prix du marché.

En réalité, le bien lui revient à 203 200 euros en incluant le coût fiscal supporté par l'épargne nécessaire pour acquérir le bien (taux forfaitaire d'IR de 19%). Il en résulte que, loué au taux de 5% de sa valeur vénale, soit 8 000 euros par an, le rapport brut ne sera en fait que de 3,94% du prix de revient d’achat.

Quant au rapport locatif net, il chute à 1,73% si vous payez comptant (en tenant compte des travaux à faire régulièrement par le propriétaire, des vacances locatives, des assurances diverses et des diagnostics, de la taxe foncière et de l'IFI) et à 0,15% si vous achetez à crédit. Il faut tenir compte également des éventuels frais d'assurance loyers impayés ou d’agence immobilière gestionnaire.

En résumé, nos propriétaires bailleurs (fournisseurs d'un logement) investissent pour gagner un taux inférieur à celui des banques, tout en risquant une dégradation des lieux, des impayés et donc des frais d’avocat et une moins-value sur la valeur de leur bien compte tenu de la conjoncture économique. Pour gagner 1,73%, ils devront, au prix d’un travail non rémunéré, gérer et surveiller leur bien, relouer, s’informer régulièrement des nouveaux textes, et faire de la paperasserie. Bref, tout sauf être de paisibles rentiers !

De son côté, l’État encaissera tranquillement 21% du montant de l’investissement du propriétaire, plus 28% de ses loyers, et il faudra encore y ajouter l'IR sur les revenus locatifs (en sus de l’IR du locataire) au barème ainsi que les droits de succession/donation.

D’ici la retraite, tout ira bien pour notre couple s’il ne divorce pas, s’il conserve des revenus suffisants pour aller au bout de son crédit (chômage), et ce, pendant 20 ans. Si tout se passe bien, il aura enfin gagné un supplément de retraite de 4 150 euros/an soit 346 euros/mois. A moins qu’il ne soit contraint de revendre : dans ce cas, il paiera la plus-value et l’IR et, s’il était en SCI, ce sera l’IRPP en prime, voire l’IS sur option.

Concernant sa succession ou donation, le taux des droits va de 20% en ligne directe à 60% (cas d’une famille recomposée). Dans ce dernier cas, il faudra 29 années pour amortir les 60% (60% de 160 000 euros, soit 96 000 euros / (4 150 euros - 19% d’IR) = 29). Pire qu’un crédit juste pour racheter à l’État son propre bien ! (2)

Zones   tendues   et   terrains   à   bâtir :  une   taxe foncière majorée

Parfois, l’argument touche à l’absurde lorsque l’on veut s’attaquer à la question des zones tendues par le seul outil fiscal.  Certains propriétaires « professionnels » comme « particuliers » en ont fait l’amère expérience.

Depuis 2014, en zone tendue, il existe une majoration forfaitaire de 5 euros/m² de la taxe foncière sur les propriétés non bâties qui s'ajoute à une majoration de 25% décidée dans le cadre du dispositif de « libération du foncier ». Le résultat ne s’est pas fait attendre et touche indifféremment les particuliers comme les professionnels, puisque la taxe foncière sur les propriétés non bâties est une taxe « ménages » (3) sur le plan juridique, mais non économique.

S’agissant des particuliers, certaines cotisations sont passées de 300 euros à 2 500 euros à Hyères en 2015, de 33 à 6 393 euros à Saint-Leu-La-Forêt (Val d’Oise) en 2015.

Côté entreprises, à Bruyères-Le-Châtel dans l’Essonne, certains terrains appartenant à des professionnels ont vu leur cotisation passer de 451 euros à 71 051 euros et de 658 euros à 326 969 euros.

Des ratés liés notamment à une présomption de conformité des « zonages » aux plans locaux d'urbanisme, même quand ce n’est pas le cas de façon flagrante.

Une mesure suspendue par Michel Sapin en 2016…, mais à titre provisoire. La situation pourrait bien redevenir explosive, l’ensemble des dispositions « suspendues » redevenant de plein exercice…

Les propriétaires sont des rentiers. Taxons-les ! Et pourtant, cette « rente » est déjà hyper taxée, parfois même jusqu’à 100% !

Une rente immobilière hyper taxée

L'État est responsable de cette dégradation générale.

Le bilan fiscal de l'investissement locatif peut déboucher sur une taxation effective de 140 à plus de 200% des revenus nets (en fonction des droits appliqués en cas de succession), soit bien au-delà des facultés contributives, et il ne restera au propriétaire bailleur que le titre. Juste un bout de papier qui demeurera, lui, inviolable et sacré.

D’après le rapport de la commission des finances du Sénat sur la « rente immobilière : mythes et réalités », datant de novembre 2017, les prélèvements obligatoires relatifs au logement représentaient 67,9 milliards d’euros en 2016, 28% de plus qu’il y a dix ans. Le niveau des prélèvements sur le patrimoine immobilier se situe à 3,3% du PIB et est en augmentation de 39%… ce qui classe la France au second rang des pays de l’OCDE derrière le Royaume-Uni (3,8%), mais bien avant les États-Unis (2,6%) et l’Allemagne (0,8%). La charge supplémentaire ainsi supportée par le contribuable français, relativement à son voisin d’outre-Rhin, est de 50 milliards d’euros. Rien de surprenant lorsque l’on constate que le logement fait l’objet d’une imposition à toutes les étapes économiques.

Suppression de la taxe d'habitation et de l'ISF : les effets pervers

Comme la taxe d’habitation va être supprimée, il faudra trouver des nouvelles recettes. L’idée toxique qui circule est simple : calculer la taxe foncière en fonction des revenus. En gros, rendre l’impôt toujours plus progressif. Et pour financer les départements dépassés par la dépense sociale ? On parle d’augmenter le taux maximum des DMTO.

Ces deux ballons d’essai ont été démentis par le gouvernement, mais il faut rester vigilant, car les perspectives de croissance sont plus faibles que ce que le gouvernement avait initialement prévu.

Et, pour faire passer la pilule de la suppression de l'ISF sur les biens mobiliers, le gouvernement a encore accentué le discours sur la taxation d'une - pseudo - rente immobilière, en fixant à l’IFI (véritable usine à gaz dont on n'a connu les modalités que quelques jours avant les déclarations…) un nouvel objectif : celui d'orienter l'épargne vers les investissements dits productifs, comme les placements mobiliers, par opposition aux investissements immobiliers.

Le problème est tout de même la qualification de l'activité immobilière comme « non productive » qui est plus qu'hypothétique. Il reste, en effet, à le démontrer dans la mesure où l'immobilier (construction + activités immobilières) constitue chaque année 16,4% de la valeur ajoutée française. Bientôt la barre des 70 milliards de taxation sera passée et on s’apercevra qu’il est urgent de faire machine arrière pour le logement, pour la construction et pour la croissance. D’ici là, il va falloir serrer les dents. Et payer beaucoup d’impôts.

Les solutions proposées par l’iFRAP

Les propositions de la Fondation iFRAP en la matière sont les suivantes : supprimer l’IFI qui ne rapportera pas la recette escomptée et qui coûte cher à prélever ; soumettre les revenus fonciers non plus au barème de l’IR, mais au PFU (4) (30% tout compris) comme les autres revenus du capital ; revenir au régime de plus-values de cessions immobilières antérieur à la réforme Fillon, à savoir l'exonération à 100% sur la taxation et plus-values, y compris les prélèvements sociaux, après 15 ans de détention ; et, enfin, réduire les DMTO.

L’idéal serait d’arriver à une baisse de la fiscalité immobilière située entre 10 et 15 milliards d’euros.

Un cocktail de baisse d’impôts qui permettra d’augmenter la mobilité et de faire baisser les prix du logement. Ce n’est vraisemblablement pas pour tout de suite, mais il n’est jamais trop tôt pour proposer de bonnes idées.


  1. Consulter, Costes, N. et El Kasmi, S. (2013), Les freins à la mobilité résidentielle pénalisent-ils la qualité de l’appariement sur le marché du travail ? Trésor Eco, n°116. Van Ommeren, J. et van  Leuvensteijn,

M. (2005), New evidence of the effect of transaction costs on residential mobility, Journal of regional Science, 45:681-702, voir CPO, rapport particulier n°5, Les prélèvements obligatoires sur le capital des ménages, janvier 2018.

  1. Tous ces chiffres sont le fruit d'une expérience de bailleur d’un immeuble de 10 appartements entièrement rénovés.
  2. Les taxes dites « ménages » sont : la taxe d’habitation, la taxe foncière sur le bâti et la taxe foncière sur le non-bâti.
  3. PFU : prélèvement forfaitaire unique.