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Non à un impôt sur les loyers fictifs !

L'immobilier est la victime idéale pour trouver une nouvelle assiette imposable qui ne pèse ni sur les entreprises ni sur les salaires, mais sur le capital des particuliers et des « rentiers », qui sont corvéables à merci. L'immobilier n'est pas délocalisable, il est au soleil et sa valeur a fortement augmenté. Il n'est donc pas surprenant de voir proposer une nouvelle taxe dans ce domaine : un impôt sur les loyers fictifs. Mais dans le contexte actuel, l'imposition des loyers fictifs serait une erreur inadmissible.

Dans son étude sur la « révolution fiscale » qu'il appelle de ses vœux, Thomas Piketty trouve donc sans surprise le moyen d'imposer une nouvelle taxe sur les actifs immobiliers, à savoir l'imposition des loyers fictifs, ceux que tout propriétaire est censé se verser à lui-même lorsqu'il est en même temps occupant. C'est aussi une piste que signalait Natixis dans un Flash de juin 2010, en calculant qu'une imposition de ces revenus au taux général rapporterait 35 milliards d'euros. Natixis concédait qu' « une telle réforme se heurterait néanmoins violemment à l'objectif d'accession à la propriété et/ou de constitution d'un capital retraite, à une période où la crise du logement reste aigue », et qu'elle n'était finalement guère réaliste.

La réflexion théorique à la base de la taxation des revenus fictifs est que les propriétaires occupant leur logement sont favorisés par rapport à la fiscalité qui leur serait applicable s'ils donnaient leur logement en location en payant des impôts tout en devant payer des loyers pour se loger. Mais c'est un choix qu'ils sont libres de faire, et l'argument n'est à la rigueur recevable que pour ceux qui ont hérité de leur logement (mais ils ont dû payer des droits de mutation à titre gratuit). Ceux qui ont acquis leur logement en utilisant des revenus du travail après taxation, et c'est l'immense majorité, ont dû emprunter pour cette acquisition en payant des frais et droits importants, ainsi que des intérêts, ce qui a considérablement augmenté leur coût d'acquisition, sans compter les charges de propriété. Ils ne pourraient pas en outre payer des impôts sur des loyers fictifs, ce qui reviendrait in fine à payer des impôts sur le revenu basés sur des dettes. Et lorsqu'ils ont, à l'heure de la retraite, apuré leur dette, ils jouissent à juste titre de ce capital qu'ils se sont constitué. S'il fallait penser que l'imposition des loyers fictifs serait retenue par une nouvelle majorité politique, il serait sage de renoncer à tout projet d'acquisition immobilier pour se loger.

Dans le contexte actuel, l'imposition des loyers fictifs serait une erreur inadmissible. D'abord parce que la pénalisation des retraités, sujet encore brûlant, serait insupportable. Ensuite parce que l'immobilier est soumis à des taxes et dépenses de plus en plus importantes. Il y a les taxes locales qui ont monté en flèche, et qui incorporent déjà pour une part la notion de taxation des loyers fictifs, il y a l'ours de l'ISF dont on ne semble pas pouvoir vendre la peau, et qui incorpore aussi une notion de revenus fictifs, il y a le projet de taxation des plus-values immobilières, très injuste parce qu'il revient à taxer l'inflation. Il y a enfin toutes les nouvelles dépenses d'inspiration écologique qui viennent grever le coût de la propriété. Il est clair que nous ne sommes plus du tout dans le même contexte qu'avant 1965 lorsque la taxation des loyers fictifs existait en tant que telle. Ajoutons pour finir que l'imposition envisagée réaliserait une expropriation de fait dans la mesure où elle aurait pour effet mécanique instantané de baisser la valeur de l'immeuble concerné.

Enfin, d'un point de vue économique, il s'ensuivrait une forte chute de l'activité du secteur de la construction en France, qui occupe 1,5 million d'emplois et compte environ pour 7% dans le PIB. Donc chômage et augmentation de la crise du logement à la clé.