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Loi sur l'accélération des programmes d'investissements publics et privés

Attention aux dérapages

En ces temps de crise, il est toujours tentant pour tout gouvernement de vouloir jouer sur les investissements pour relancer la machine économique. En ce qui concerne les investissements publics toutefois il s'agit d'être particulièrement circonspect surtout lorsque l'on considère les investissements immobiliers afin de ne pas laisser filer la dépense.

Il est alors fort tentant d'encourager les recours aux Partenariats Public-Privé (PPP) notamment depuis la réforme dont ils ont fait l'objet à l'été dernier. C'est ainsi que penser la gestion de l'immobilier de l'Etat c'est forcément y intégrer une vision stratégique en matière de PPP. D'un autre côté, les entités publiques sont spontanément portées, si l'on accroît dans le même temps la pression budgétaire sur elles, à se tourner vers des montages porteurs facilitant les travaux de rénovation ou les opérations d'acquisition.
Dans ces circonstances il serait bon afin d'éviter toute dérive de pilotage, et faire en sorte que la MAPPP (mission d'appui à la réalisation des contrats de partenariats) intervienne en qualité d'organisme expert, en coordination avec le CIE (le conseil de l'immobilier de l'Etat) et France Domaine (l'agence en charge de l'immobilier) afin de vérifier la cohérence d'ensemble du recours à ces procédés.

Il faut en effet comprendre qu'à l'effet déconsolidant [1](nous renvoyons pour cela à notre étude sur les PPP parue dans Société Civile n°82 d'octobre 2008) se conjoint de potentielles dérives qui mineraient ainsi les économies affichées lors du montage. On en voudra pour preuve l'exemple relevé par la Cour des comptes dans son rapport annuel 2008 concernant l'immeuble « Villiers » situé à Levallois-Perret afin d'héberger le pôle du renseignement intérieur accueillant les services fusionnés des anciens RG et de la DST, pour former la DCRI (direction centrale du renseignement intérieur).
Le contrat initial passé sous la forme AOT-LOA (autorisations d'occupation temporaire-location avec option d'achat) s'est réalisé sans mise en concurrence des entreprises soumissionnaires pour la maîtrise d'ouvrage. Puis dans un second temps les coûts prévisionnels des travaux d'aménagement se sont révélés en augmentation de 72% par rapport aux prévisions initiales. On l'aura compris, des synergies importantes entre anciens services et des économies d'échelles devront être pratiquées afin d'amortir le coût immobilier de cette fusion.

A cet égard, nos parlementaires avant d'assouplir (art.4 du projet de loi) les conditions de financement des PPP devraient être particulièrement attentifs à l'exemple anglais qui apporte des solutions à l'utilisation des PPP. En Grande-Bretagne, les PFI (Private finance initiative), l'équivalent des PPP français, représentent 15% environ du volume de l'investissement public. Depuis 1997, le montant cumulé de ces investissement représente près de 60 milliards d'€. Le potentiel de croissance en France de ce type de montage est important puisque l'investissement en PPP en France représente environ 3,5% du volume des PPP britanniques. Avec un objectif gouvernemental français fixé à 15% de l'investissement public aligné sur les volumes britanniques, cela représenterait un investissement annuel en PPP de 7,2 milliards pour les collectivités locales et de 2,8 milliards pour les administrations publiques. Mais conscients que les PPP au Royaume-Uni, sont à 87% des contrats déconsolidés, ce qui représente en volume 54% des montants investis, le gouvernement britannique a édicté une norme de façon à ce que les PPP donnant lieu à déconsolidation ne s'expriment qu'en proportion inverse du montant des contrats.
Plus les contrats sont importants en montant, plus la déconsolidation est faible (voir le graphique ci-après) : cela veut dire que les britanniques ont édicté une norme qui impose qu'au-delà d'un certain montant, les PFI ne peuvent plus être déconsolidés et impactent donc les finances publiques pour le montant total de l'investissement réalisé.

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Taux de déconsolidation des PPP UK (%)

Ceci dit, la surveillance des PFI, se révèle être la source la plus importante des économies réalisées par le NAO (National Audit Office) au titre de la value for money. En effet, ils représentent près de 29% des sources d'économies réalisées par ce contrôle d'efficacité de la dépense publique :

L'expérience britannique nous enseigne donc tout à la fois qu'il faut d'abord savoir recourir à un usage maîtrisé des PPP mais qu'en outre, leur utilisation massive conduit nécessairement à des pratiques dispendieuses généreusement rectifiées par le NAO en charge de l'évaluation et de la réduction des coûts des politiques publiques britanniques. Les pouvoirs publics se doivent donc d'être particulièrement vigilants sur ce chapitre, même en temps de crise.

[1] L'effet « déconsolidant » doit être compris comme produisant à court terme une charge pour l'Etat beaucoup plus faible qu'elle ne l'aurait été autrement. Mais sur le long terme, l'effet pour les finances publiques peut se révéler beaucoup plus dispendieux.