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Livret A : un bon placement pour les banques publiques

Perfidie confraternelle, et révélation salutaire...

Le Gouvernement s'apprête, sur la demande insistante de la Commission de Bruxelles, à ouvrir la distribution du fameux Livret A d'épargne à tout le réseau bancaire. Cette distribution est actuellement réservée à la Banque Postale et aux Caisses d'Epargne, organismes du secteur public. Le Gouvernement en profite pour diminuer le montant exorbitant des commissions prélevées par ces organismes pour rémunérer le placement du Livret auprès du public (jusqu'à 1,4%) : c'était autant de moins pour rémunérer les déposants, et aussi pour le logement social (auquel sont affectés les fonds provenant de la collecte du Livret), comme l'a relevé le rapport commandé par le Gouvernement à M. Camdessus.

Mais la Ministre de l'Economie n'y va pas de main morte, et veut passer le taux de commission à…0,4% pour tous, soit un petit tiers de ce qu'il était.

Baudouin Prot, qui préside aux destinées de la BNP, laquelle va bénéficier du droit de distribuer le Livret A, s'insurge contre ce taux qu'il trouve quand même trop bas (il demande 0,8%), et ajoute avec une perfidie remarquable le commentaire suivant : « Si le Livret A ne coûtait rien, vous imaginez les conséquences en termes de bénéfices indus pour les privilégiés qui ont distribué cela pendant des décennies avec des commissions aussi importantes ».

Mais oui mais oui, Monsieur Prot, votre (feinte) indignation nous ravit. Nous sommes très contents de savoir enfin, mais mieux vaut tard que jamais, que la rémunération de nos chers livrets souffre traditionnellement de l'excès de commissions versées pour le placement de ce produit aux organismes de service public, ces « privilégiés ». Le Livret A, ce sont 50 millions de déposants et 128 milliards d'euros de collecte, et ça existe depuis 1818. Une bagatelle. Merci aussi à l'initiative de Bruxelles, prise au nom de la concurrence, sans laquelle nous serions morts idiots si on comprend bien. Idiots de ne pas nous rendre compte de ce que veut vraiment dire « service public ». Mais quelle honte de devoir attendre Bruxelles pour nous l'apprendre !