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Les niches fiscales 2009 : une présentation en trompe l'œil

Lire notre version 2010
des niches fiscales

Le projet de loi de finances de 2009 ne déroge pas à la règle, il présente dans son annexe Voies et Moyens II, l'ensemble des niches fiscales qui seront (sauf disposition du législateur) effectives pour l'année en cours. Et il faut le dire, un effort de présentation a été réalisé par rapport aux éditions précédentes. Les observations de la mission d'information de la commission des finances de l'Assemblée nationale mais aussi les recommandations faites par l'iFRAP (dans notre dossier niches fiscales) semblent avoir porté leurs fruits. Concrètement, les niches sont désormais présentées en montrant les « nouvelles niches » crées depuis le PLF 2008, mais aussi les suppression intervenues, les réintégrations hors du périmètre des dérogations fiscales lorsque ces mesures sont susceptibles de concourir à la définition même du barème de l'impôt etc…

1) Quand une fausse diminution cache une véritable augmentation des niches fiscales

Tout irait bien dans le meilleur des mondes si un astérisque ne venait troubler un peu l'image de transparence que les budgétaires ont voulu donner à leur fastidieux exercice : en effet, nous pouvons lire dès le début du document que les niches fiscales au nombre de 469 ont désormais un volume de 69,101 milliards d'€. Par rapport aux évaluations de l'année 2008 effectuées par nos soins (73 milliards), le volume des niches semble alors refléter une contraction sans précédent : près de 4 milliards d'€ avec la disparition de près de 38 niches ! Est-ce le premier épisode d'une Saint Barthélemy des niches annoncée ? En réalité pour comprendre il faut se reporter à la note de bas de page qui accompagne les chiffres présentés : « Les coûts 2007 et 2008 sont calculés en fonction du périmètre des dépenses fiscales 2009 ».

Tout est donc dit, le périmètre des niches fiscales a été artificiellement contracté sans pour autant que d'importantes économies n'aient lieu afin de limiter visiblement leur augmentation. Pour s'en convaincre, il faut rapprocher un certain nombre de données : les niches sorties du périmètre (norme de dépense fiscale) sont au nombre de 29 pour un poids net très conséquent : 10,351 milliards d'€. Les nouvelles niches créées sont au nombre de 28 (contre 37 détruites), pour un poids net de 338 millions d'€. Visiblement le compte n'y est pas ! Il s'en suit que les 5,7 milliards d'augmentation en volume des niches pour aboutir au périmètre total de 2009 proviennent de la croissance spontanée des dépenses fiscales en vigueur. Une belle augmentation !

Enfin constatons que le volume des niches réellement supprimées par le législateur s'effondre depuis 2007. En effet, si des suppressions à hauteur de 26 millions d'€ étaient effectuées par le législateur en 2007, elles ne totalisent plus que 18 millions en 2008 pour seulement 1 million en 2009. Dans le même temps le coût des créations s'accroît : pour +3 millions en 2007, elles représentent +242 millions pour 2008 et +269 millions en 2009, tandis que l'évolution spontanée des existantes représente +5,7 milliards d'€. Décidément plus que jamais une évaluation des niches s'impose !

2) Une définition discrétionnaire des niches fiscales !

La présentation rétrospective des niches fiscales pour 2008 et 2007 en appliquant le nouveau périmètre est une illusion. Il faudrait bien plutôt mettre en avant chaque année les niches avec leur propre périmètre pour vérifier l'ampleur des augmentations ou diminutions constatées.

Pourquoi avoir réduit le périmètre des niches dans de telles proportions alors même que les 29 niches évincées n'ont pas été cependant annulées ? Elles constituent toujours en effet des « dérogations » par rapport à la norme fiscale, mais seront simplement invisibles désormais pour les observateurs. La raison est simple, parce que l'Etat veut donner du corps à sa politique de maîtrise de la croissance des niches, en procédant à un véritable « lifting » discrétionnaire.

Mais aussi reconnaissons-le, l'Etat prend acte qu'un certain nombre de niches n'avait strictement rien à y faire : notamment lorsqu'elles constituent des mesures assimilables au barème de l'impôt lui-même, ou des mesures dictées par l'application des accords internationaux ou des reports d'imposition. Il existe cependant une grande liberté politique puisque une disposition balai permet d'inclure « toute autre disposition » jugée utile.

Cette constatation en amène une dernière : la norme de dépense qui permet de définir ce qu'est ou n'est pas une niche est imprécise. Il faut brièvement rappeler que les critères qui étaient au départ l'ancienneté, le caractère général de la mesure, les objectifs poursuivis et enfin la doctrine fiscale, ont été définis discrètement pour la première fois par Bercy (à l'époque Rivoli) dans l'annexe des Voies et moyens de 1980 adossée au projet de loi de finances pour 1981. Ces critères seront ensuite amendés dans les annexes de la loi de finances de 1998, désormais l'ancienneté et le caractère général seront retenus. Nouveau changement dans l'annexe de cette année pour le PLF 2009 : « A compter du présent projet de loi de finances, le caractère général de la mesure est réévalué et le critère d'ancienneté est supprimé de la définition de la norme fiscale ».

Bercy a donc les coudées franches pour redéfinir les niches à sa guise... ce qui ne l'exonérera pas d'une évaluation poussée et suivie des niches fiscales. Il est fort à parier néanmoins que ces changements incessants auront un impact sur la transparence désormais affichée.