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Le basculement du CICE en allègements de cotisations sociales employeurs : efficace ou pas ?

Tous les mercredis, avant le Conseil des ministres, Le Macronomètre, l'observatoire des réformes du gouvernement lancé par la Fondation iFRAP, attribue une note aux réformes d'Emmanuel Macron. La note de la semaine du Macronomètre est présentée dans le Figaro. Cette semaine : 4/10 sur la bascule CICE en baisse de charges.

Rappelons-nous, Emmanuel Macron, candidat, promettait la transformation du CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) en baisse de charges pérennes de 6 points pour toutes les entreprises et sur tous les salaires, et jusqu’à 10 points au niveau du SMIC. L’objectif ? Encore et toujours : relancer la croissance et redonner du pouvoir d’achat.

Dans les réalisations, la mesure de basculement du CICE en allègements généraux de cotisations sociales employeurs s’est décomposée en deux sous-mesures :

  1. D’une part, les entreprises ont jusqu’à 2022 pour utiliser leur reliquat de créances d’IS acquises au cours des années d’existence du CICE. C’est un effet transitoire, les créances restantes diminuant sensiblement après 2019. On relèvera que ces créances auraient de toute façon été mobilisées même si le CICE s’était éteint et n’avait pas été remplacé par de nouveaux allègements.
  2. La transformation, pour un montant équivalent, du crédit d’IS qu’était le CICE, en une baisse de cotisations à partir de 2019. La première année est rabotée d’une partie du dispositif (report à octobre de la mise en place du renforcement des allègements sur les bas salaires, ce qui amoindrit les allègements de 2,5 milliards d’euros pour l’ensemble des secteurs).

Le phénomène de « retour d’IS » (les entreprises payant moins de cotisations voient leurs bénéfices augmenter et donc également leur IS ce qui amoindrit les effets de la baisse de charges) ainsi que la fuite d’une partie des allègements vers les secteurs non marchands (qui bénéficiaient peu ou pas du CICE et vont bénéficier pleinement des allègements) impliquent que, même en régime de croisière, les secteurs marchands vont connaître une baisse de 3,5 milliards d’euros de leurs allègements. Ces 3,5 milliards d’euros sont l’écart entre l’appréciation du CICE en « équivalent baisse de cotisations » et l’appréciation du futur dispositif qui s’y substitue. La perte est par ailleurs plus importante pour les secteurs dont les salaires sont un peu plus élevés (le nouveau dispositif est ciblé sur les bas salaires), comme les secteurs industriels, ce qui implique une moindre compétitivité.

Ainsi, on peut estimer que si l’effet de l’utilisation simultanée des créances restantes de CICE est légèrement positif (en cumulé, cette mesure permettrait la création de 52 000 emplois)… l’effet de la transformation et du rabotage en 2019 du nouveau dispositif sont, eux, légèrement négatifs (en cumulé, cette mesure aboutirait à la destruction de 32.000 emplois). C’est donc à peine 20.000 emplois créés que l’on peut attendre de cette bascule.

D’autant plus que la mesure détériore le solde public en 2019 (de 0,9 point de PIB) du fait du cumul créances d’IS du CICE / nouveaux allègements légèrement amputés. A moyen terme, les allègements bénéficiant au secteur des APU, la mesure pourrait très légèrement améliorer le solde public mais l’effet est de très faible ampleur. Même problématique au niveau de l’investissement avec une légère baisse à prévoir. La hausse de l’IS qui suit la fin du CICE nuit à la profitabilité des entreprises et donc à l’investissement. La baisse du coût du travail (baisse des CSE) provoque un effet de substitution (plus de facteur travail et moins de capital). La mesure étant plutôt défavorable aux secteurs industriels, on peut craindre moins d'investissement en R&D de leur part.

La mesure aurait pu être davantage positive si elle s’était faite en augmentant le montant des baisses de cotisations pour compenser le « retour d’IS » (afin d’éviter que des secteurs ou entreprises se considèrent comme perdants à cette transformation). L’espoir de l’exécutif est que les baisses de cotisations soient davantage perçues comme une baisse du coût du travail et aient donc des effets plus sensibles sur l’emploi (notamment non qualifié du fait d’un ciblage sur les bas salaires) que le CICE. On doit néanmoins se féliciter d’un système plus lisible et d’allègements de cotisations considérés comme pérennes. L’année de transition 2019 est légèrement positive tandis que la baisse programmée de l’IS atténuera les effets négatifs qu’on peut associer à cette bascule. Le timing et la coordination sont donc plutôt bons. Néanmoins, il nous semble qu’il y ait peu à attendre de la bascule du CICE en allègement de cotisations d’où une note de… 4/10

Effet de l’utilisation des reliquats de créances de CICE

 

2019

2020

2021

2022

Effet sur le PIB

(en % d’écart au scénario de référence)

 

+0,09

 

+0,04

 

0

 

0

Effet sur l’emploi marchand (en milliers)

23

18

9

2

Effet de la transformation du CICE en allègement de cotisations

 

2019

2020

2021

2022

Effet sur le PIB

(en % d’écart au scénario de référence)

-0,04

-0,02

-0,02

-0,02

Effet sur l’emploi marchand (en milliers)

-15

-9

-4

-4

Effet global de la bascule du CICE en allègement de cotisation

 

2019

2020

2021

2022

Effet sur le PIB

(en % d’écart au scénario de référence)

+0,05

+0,02

-0,02

-0,02

Effet sur l’emploi marchand (en milliers)

+8

+9

+5

-2

Le descriptif de la notation 

Effet sur la croissance et l’emploi

Très faible. Le cumul transitoire des créances d’IS et des nouveaux allègements amène un très léger supplément d’emploi en 2019 (de l’ordre de 10.000 emplois) mais ces créations ne sont pas durables. A moyen terme l’effet pourrait même être légèrement négatif sur l’emploi marchand si on tient compte de l’effet de retour d’IS négatif qui amoindrit le montant perçu des allègements pour les entreprises

0,75/2

Effet de la mesure sur les finances publiques

La mesure détériore le solde public en 2019 (de 0,9 point de PIB) du fait du cumul créances d’IS du CICE / nouveaux allègements légèrement amputés. A moyen terme, les allègements bénéficiant au secteur des APU, la mesure pourrait très légèrement améliorer le solde public mais l’effet est de très faible ampleur. Le rabotage d’une partie des allègements en 2019 permet que la transition pèse un peu moins que prévu sur les finances publiques.

1,0/2

Effet sur l’investissement et l’innovation

Légère baisse d’investissement à prévoir. La hausse de l’IS qui suit la fin du CICE nuit à la profitabilité des entreprises et donc à l’investissement. La baisse du coût du travail (baisse des CSE) provoque un effet de substitution (plus de facteur travail et moins de capital). La mesure étant plutôt défavorable aux secteurs industriels, on peut craindre de moindre investissements en R&D de leur part.

0,5/2

Effet sur la compétitivité

Le ciblage des nouveaux allègements défavorables (relativement au CICE) aux secteurs industriels, on peut craindre un effet négatif sur la compétitivité. L’effet devrait cependant n'être que d’assez faible ampleur.

0,5/2

 

Timing/coordination/pertinence

La mesure aurait pu être davantage positive si elle s’était faite en augmentant le montant des baisses de cotisations pour compenser le « retour d’IS » (afin d’éviter que des secteurs ou entreprises se considèrent comme perdants à cette transformation). L’espoir de l’exécutif est que les baisses de cotisations soient davantage perçues comme une baisse du coût du travail et aient donc des effets plus sensibles sur l’emploi (notamment non qualifié du fait d’un ciblage sur les bas salaires) que le CICE. On doit néanmoins se féliciter d’un système plus lisible et d’allègements de cotisations considérés comme pérennes. L’année de transition 2019 est légèrement positive tandis que la baisse programmée de l’IS atténuera les effets négatifs qu’on peut associer à cette bascule. Le timing et la coordination sont donc plutôt bons.

 

1,25/2

Note globale pour la mesure « Basculement du CICE en allègements de cotisations sociales à la charge des employeurs »

4/10