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Impôt sur les revenus du capital : maximum atteint

Le projet du gouvernement fait faire un bond au prélèvement forfaitaire sur les revenus du capital. Ceci nous donne l'occasion de montrer que la France est maintenant parvenue au maximum de l'imposition sur les revenus du capital. Nous allons le vérifier, au-delà du seul prélèvement forfaitaire, pour l'ensemble des catégories de ces revenus. Nous montrons aussi que, quelle que soit l'opinion qu'on peut avoir sur la pertinence d'une comparaison entre l'imposition, au sens économique du terme, des revenus du capital et celle des revenus du travail, la première est dans tous les cas plus élevée que la seconde.

Le prélèvement forfaitaire libératoire (PFL) sur intérêts et dividendes

Rappelons que le PFL s'applique, en option par rapport à l'imposition au barème de l'IR, aux revenus des valeurs à revenus fixes (intérêts), comme aux valeurs à revenus variables (dividendes).

Le PFL vient de faire un bond, de 19 à 24 points, soit une augmentation de 23,6% en un an, ce qui constitue quasiment un record, surtout si l'on y ajoute, toujours pour 2012, une augmentation de 1,2 point, soit 9,7%, au titre des prélèvements sociaux. En 2007, le total de l'imposition des revenus en question était égal à 28% (12 + 16). Ce total est maintenant de 37,5% (13,5 + 24) [1].

Dans le cadre de la loi de finances 2011, la hausse du rendement du PFL correspondant au passage de 18 à 19% a été estimée à 130 millions. Cette fois, la hausse de 19% à 24% est censée rapporter 600 millions, ce qui correspond à un rendement décroissant. La raison en est qu'avec un total d'imposition de 37,5%, sachant par ailleurs que le choix du PFL retire au contribuable l'abattement de 40% (ex-avoir fiscal), le PFL ne conserve plus aucun intérêt pour les bénéficiaires de dividendes par rapport à l'imposition au barème, et ce quel que soit le montant des revenus.

Pour les titulaires de revenus fixes, la question reste ouverte, et sa solution dépend du montant de la tranche marginale de l'IR du contribuable. Mais ceci montre que le PFL est en voie de disparition presque complète au profit de l'imposition de droit commun au barème de l'IR. Au total, l'imposition est plus élevée que pour les revenus du travail, car les prélèvements sociaux se montent maintenant à 13,5% pour les revenus de capitaux mobiliers alors qu'ils ne sont que de 7,76% moins la prise en compte de la partie déductible de la CSG/CRDS (voir note 1).

Encore ces chiffres ne tiennent-ils compte que du taux d'imposition légal. Le taux « économique » est beaucoup plus important, que ce soit pour l'imposition des intérêts comme pour celle des dividendes. En effet :

- pour les valeurs à revenu fixe, il faut tenir compte de l'inflation, car, le capital étant fixe et les intérêts étant payés avec une année de décalage, le rendement réel est diminué de l'inflation par rapport au rendement nominal, alors que l'impôt est calculé sur le rendement nominal. C'est un point sur lequel nous avons plusieurs fois attiré l'attention. Pour fixer les idées, si le taux de l'intérêt versé est de 4,5% et l'inflation de 2%, le taux économique du PFL sera, non pas de 37,5%, mais de 37,5*4,5/2,5=67,5% [2]. On remarque que si l'on fait varier le taux de l'inflation, le résultat change beaucoup. Ainsi, avec une inflation de 3% et non plus 2%, ce qui n'est pas une hypothèse invraisemblable, le taux économique passerait à 37,5*4,5/1,5=112,5, donc un rendement net négatif !

- En ce qui concerne les dividendes, il y a lieu de tenir compte cette fois de la nécessité d'éviter la double imposition, puisque l'imposition qui les concerne s'applique à des revenus du capital, et ceux-ci ont déjà été imposés à l'IS au niveau de la société. L'IS est en partie, mais seulement en partie compensé par l'abattement de 40%. Et la hausse programmée de 5 points de l'IS augmentera encore l'insuffisance de l'abattement de 40%, dans la mesure où il n'est pas prévu de modifier ce dernier. En supposant une imposition à l'IR à la tranche maximale actuelle de 41% (qui sera supérieure à partir de 2012), le calcul dépend de circonstances variables, mais il aboutirait à une imposition supérieure à 60%.

Les revenus fonciers locatifs

Ils sont soumis aux prélèvements sociaux, au taux de 13,5% à partir de 2012, très supérieur à la CSG/CRDS portant sur les revenus salariaux (7,76%), et à l'IR au barème de droit commun (comme les revenus salariaux, qui toutefois bénéficient en outre d'un abattement forfaitaire de 10%). A cela s'ajoutent les taxes foncières, au taux variable suivant les communes mais aux alentours de 10% du loyer. Elles sont indépendantes de l'ISF auxquelles elles s'additionnent en tout état de cause. ISF non compris, le taux d'imposition se monte à plus de 57%.

Les plus-values mobilières et immobilières

Des principes équivalents à ceux de la taxation des revenus s'appliquent, mais avec des modalités différentes. A noter que la taxation forfaitaire est obligatoire pour les plus-values.

- Les prélèvements sociaux et la taxation forfaitaire s'appliquent au taux global de 32,5%, mais la hausse de 5 points prévue pour le PFL sur les revenus n'a pas - pour le moment ?- été étendue à cette taxation forfaitaire.

- Les plus-values mobilières, dans le cas des investissements directs mais pas dans celui de la détention par l'intermédiaire des OPCVM, devraient dans l'avenir bénéficier de l'exonération de la taxe forfaitaire (mais pas des prélèvements sociaux) par tiers à compter de la sixième année et totalement au terme de huit années de détention. Mais la date d'entrée en vigueur de cette mesure favorable (2012, et 2015 pour l'exonération totale) vient d'être repoussée de 3 années… Il est à craindre que ceci ne prépare une suppression totale de la mesure.

- Le régime des plus-values immobilières vient déjà de subir deux durcissements importants : une hausse du taux forfaitaire de 16% à 19% et un allongement à 30 ans (doublement) de la durée d'exonération. En outre, le dispositif (la « niche ») Scellier doit disparaître totalement fin 2012. Le taux légal est égal à 32,5%, mais le taux économique doit tenir compte de l'inflation, et il devient alors très élevé, nettement supérieur à 60% suivant les différentes hypothèses.

Les revenus épargnés

En dehors de l'exonération des revenus de capitaux plafonnés, à savoir l'épargne populaire (Livret A et autres) ou le PEA, seule l'assurance-vie a trouvé grâce auprès du législateur, avec une exonération au bout de 8 ans à laquelle il n'a pas été finalement porté atteinte. C'est que les sommes en jeu sont considérables (2,4 milliards environ), qu'une part importante est investie… en emprunts d'État, et qu'elle fait actuellement l'objet d'une décollecte préoccupante, due elle-même au risque d'instabilité fiscale ou à la crainte de non-remboursement des emprunts d'État. Mais est-ce bien sain de favoriser cet emploi de l'épargne, tout en pénalisant les investissements productifs en actions d'entreprises privées ?

Enfin, la résidence principale est – relativement – épargnée, du fait que la plus-value réalisée lors de sa vente est exonérée, et qu'elle bénéficie d'un régime favorable au titre de l'ISF. Toutefois, la hausse considérable de la taxe foncière aboutit au même résultat qu'une imposition des loyers fictifs, que certains prônent avec insistance. Cette imposition des loyers fictifs est probablement impossible politiquement à mettre en œuvre, mais les contribuables ne sont pas à l'abri, dans un contexte de refonte générale de la fiscalité, de nouvelles hausses de la taxe foncière.

Conclusion : Imposition des revenus du capital comparée à celle des revenus du travail

C'est le nouveau paradigme : les revenus des « rentiers » doivent supporter la même imposition que ceux du travail. Ne revenons pas dans le cadre de cette étude sur le débat idéologique, selon lequel une partie des économistes refusent de considérer que le capital, ce sont des revenus qui ont déjà été taxés, et ce malgré les conséquences très défavorables aux investissements de cette idéologie [3].

Ce que nous montrons en fait, c'est que les revenus du capital, même pour les « riches » imposés au taux marginal (41%) du barème de l'IR, sont dans tous les cas imposés plus fortement que les revenus du travail !

La notion économique de l'imposition des salaires nécessite de tenir compte, outre de l'IR, de la part des cotisations sociales qui ne s'analyse pas en un salaire différé et ne donne pas droit à un bénéfice individuel. En résumé, cela signifie qu'il ne faut pas tenir compte dans le calcul de l'imposition des salaires, des prélèvements pour la retraite ou pour le chômage qui sont du salaire différé, mais qu'il faut en revanche tenir compte de ceux relatifs à l'assurance maladie et à la famille.

Le calcul exact de cette imposition économique sur les salaires peut donner place à certains arbitrages, et d'autre part les chiffres sont légèrement variables en fonction du salaire. En simplifiant, si l'on prend en considération un exemple typique à partir du salaire brut, l'imposition moyenne totale est égale à 7,76 (cotisations salariales maladie) + 30,65 (IR) = 38,41%. Dans un calcul économique, il est cependant plus logique d'intégrer aussi les cotisations payées par l'employeur, et le calcul de l'imposition aboutit alors à 25,96 (cotisations employeur maladie et famille) + 30,65 = 56,61%. Dans tous les cas ces taux concernant les salaires sont inférieurs au taux des diverses impositions sur les revenus du capital que nous avons examinées, et qui sont comprises entre 57% et plus de 60% [4].

En résumé, les mesures du projet actuel concernant le capital sont l'aboutissement d'une orientation suivie en particulier depuis cinq ans, dont on peut regretter non seulement qu'elle parte de prémisses fausses et sans pertinence économique, mais aussi qu'elle aboutisse à pénaliser les investissements dans les entreprises par une désincitation à l'utilisation productive de l'épargne.

[1] Cerise sur le gâteau, les prélèvements sociaux ne sont pas déductibles de l'assiette du PFL ! Imaginons un seul instant que les cotisations sociales ne soient pas déductibles de l'IR des salariés…

[2] C'est un exemple que nous empruntons à une étude de Henri Sterdyniak, Professeur à l'université Dauphine et directeur à l'OFCE. http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/...

[3] Cette idéologie prône en fait la préférence keynésienne pour la consommation plutôt que pour l'investissement, et satisfait les besoins financiers de l'État en taxant les rentiers, la seule catégorie à pouvoir être mise facilement à contribution. Tout en croyant pouvoir ainsi échapper à la nécessité de diminuer les dépenses publiques sans avoir à s'intéresser davantage aux besoins prioritaires de croissance.

[4] Rappelons que nous avons établi cette comparaison pour des contribuables taxés à la tranche maximale. Henri Sterdyniak (voir note 2) a calculé qu'au niveau du Smic et en suivant les mêmes principes, du fait de l'exonération sur les bas salaires, de la PPE et de l'allocation logement, l'imposition des salaires est négative (- 6,8%).