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Fraude : Détecter 10% de plus mais attention aux abus du contrôle fiscal

Eric Woerth a réuni le 5 mai à Bercy 600 contrôleurs des impôts, de la sécurité sociale et des douanes et leur a demandé « de détecter 10% de fraude en plus ».
Nous ne pouvons que souscrire à cet effort s'il s'agit de lutter contre des domaines de fraude parfaitement identifiés et sur certains desquels l'Etat a jusqu'à présent plus ou moins fermé les yeux : sans parler de la TVA et des fraudes inter-communautaires « carrousel », celles à la CMU et au RMI.

Et nous ne pourrions que souscrire à la lutte contre des fraudes commises pour bénéficier de façon indue de subventions ; fraudes dont le montant n'a pas été évalué mais qui sont considérables.

Nous pensons aux 60 milliards d'euros de programmes divers pour encourager, stimuler, aider les entreprises et dans lesquels seuls se retrouvent les spécialistes de la chasse aux subventions.
Nous pensons aussi aux 30 milliards d'euros de subventions aux associations qui sont souvent des montages pour contourner les règles de la comptabilité publique et faire parvenir les fonds des contribuables dans des poches très privées.

Les abus dans ces domaines représentent beaucoup plus que les 2 milliards d'euros de redressements effectués par le contrôle fiscal. 2 milliards qui, si l'effort se porte essentiellement sur eux, risquent de se traduire par la disparition tragique de centaines de petites entreprises parfaitement honnêtes et de milliers d'emplois.

A la différence du contrôle des prélèvements sociaux qui ne peuvent être prélevés qu'après décision d'un juge, les redressements fiscaux sont exigibles et le Trésor se sert, ou exige caution, avant qu'un juge n'ait validé le redressement.

Nous avons dénoncé cette pratique moyenâgeuse depuis 1999 et montré qu'elle aboutit à des redressements qui n'ont souvent d'autres bases juridiques que la pression sur le contrôleur de satisfaire un quota.

Dans une étude de 2008 sur les performances du contrôle fiscal, nous avions ainsi pu montrer que les redressements émis par le contrôle fiscal sont dictés par les lois du hasard, alors que les recouvrements, ce qui rentre réellement dans les caisses de l'Etat, étaient eux parfaitement corrélés avec la richesse produite. Par ailleurs, les redressements recouvrés représentent une fraction inférieure à la moitié des redressements émis, ce qui n'est pas très réconfortant. Enfin, il y avait des écarts considérables entre les ratios redressements recouvrés/ redressements émis des différentes régions passant de moins de 20% en Languedoc-Roussillon ou 22% en Ile-de-France à 50% en Franche-Comté.
Qu'il y ait une dispersion dans les résultats, c'est la loi de la vie ; mais que ceci se traduise par la disparition de centaines d'entreprises honnêtes et de milliers d'emplois n'est pas acceptable.

Il nous semble que dans le programme de réformes qu'a lancé le présent gouvernement devraient au moins figurer les mesures suivantes :

- comme pour les redressements sociaux, ne rendre les redressements fiscaux exécutoires ou n'obliger à déposer caution qu'après la vérification de la validité du redressement par un juge si ce redressement est contesté ; de nombreux pays appliquent déjà cette règle dont la Suède et le Canada, et il existe des procédures complémentaires pour prévenir les abus les plus criants.

- profitant de la fusion de la DGI avec le Trésor Public, faire que la fiche de notation de l'agent de contrôle comporte non seulement des éléments sur les redressements qui ont été effectués mais aussi sur les contestations et sur les recouvrements réels rentrés dans les caisses du Trésor.

Il existe bien d'autres mesures que nous ne pouvons citer dans un éditorial aussi bref et qui ont été notamment évoqués par René Hans, telles que la suppression du droit par un contrôleur de rejeter la comptabilité et de renverser la charge de la preuve, sans qu'un juge intervienne.

Eric Woerth a raison de vouloir renforcer les contrôles mais il faudrait que notre contrôle fiscal devienne digne d'une démocratie du XXIème siècle.