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Evasion fiscale vers la Suisse ; les contribuables s'exilent de plus en plus !

Dans l'affaire qui oppose la France à la banque Suisse HSBC sur la restitution des bases de données volées et la livraison du coupable aux autorités helvétiques, une étape supplémentaire vient d'être franchie. Le 16 décembre, la Confédération publiait un communiqué selon lequel la Suisse allait suspendre l'adoption par son parlement de la nouvelle convention fiscale signée avec la France le 27 août dernier à Berne [1], ce qui devrait considérablement retarder son entrée en vigueur.

Cette mesure qui « prend effet immédiatement » selon l'expression de Hans-Rudolf Merz lors de la conférence de presse du Conseil fédéral, constitue une mesure de rétorsion face à l'attentisme du gouvernement français devant la fin de non recevoir adressée par les autorités judiciaires hexagonales aux requêtes motivées de leurs homologues suisses. Le ministre des finances fédéral ne mâche pas ses mots « il n'est pas concevable que Paris utilise des données qui ont été acquises de façon illégales ! ».

Cette affaire, ne fait que tendre un peu plus des rapports qui s'étaient déjà dégradés entre les deux pays à la suite de l'inscription de la Suisse sur la liste noire de l'OCDE. Une situation qui avait poussé la Confédération à signer 11 conventions d'entraide administrative dont l'une avec son puissant voisin. Mais aussitôt surgissait déjà des problèmes d'interprétation : en effet, l'article 10 de la convention prévoit dans son e) « [L'autorité compétente requérante fournit les informations suivantes à l'autorité compétente de l'Etat requis] dans la mesure où ils sont connus, les noms et adresse de toute personne dont il y a lieu de penser qu'elle est en possession des renseignements demandés ».

Une controverse s'est alors immédiatement développée entre la position extensive française pour laquelle une telle disposition n'impliquait pas nécessairement la précision du nom de la banque par l'Etat demandeur de renseignement, ce qui nécessitait que ce soit l'Etat fournisseur de renseignement qui s'en charge, tandis qu'une position stricte imposait le contraire, à savoir que l'Etat requérant fournisse l'ensemble des données nécessaires à l'identification du contribuable enquêté. C'est à cette interprétation que s'est ralliée la Confédération en précisant le 14 septembre 2009 que « l'Administration fédérale des contributions (AFC) n'est pas en mesure de prêter son assistance administrative à une autorité fiscale étrangère si la demande d'assistance ne lui permet pas d'identifier clairement la banque concernée. » Ajoutant liminairement « la Suisse accordera son assistance de cas en cas en réponse à des demandes concrètes. La pêche aux renseignements est toujours exclue, y compris avec la France [2] ».

Les positions étant clarifiées, la suspension au parlement fédéral de la nouvelle convention place les Français disposant de comptes en Suisse au pied du mur. Soit régulariser leur situation en passant sous les fourches caudines de Bercy et de sa cellule de « dégrisement », soit au contraire rentrer dans la légalité en choisissant de s'installer en Suisse et devenir résident. Or devant les craintes et les complications suscitées par la procédure de régularisation française, les départs vers la Suisse s'accroissent. Les professionnels d'outre-Léman confirment « Nous avons toujours eu de riches clients, plutôt proches de la retaite, qui ont pris le temps de faire mûrir ce projet de s'installer en Suisse (…) mais en ce moment, nous recevons des demandes de personnes « normales », ayant hérité d'un placement en Suisse, remontant souvent à leur grand-père. Parfois, ils n'ont pas des sommes considérables, mais ils n'ont pas l'habitude des contrôles fiscaux et ils ont peur. »
Ainsi ce sont avant tout les imbroglios juridiques suscités par des successions complexes qui poussent ces Français à agir. Sur la moyenne période, les données du Sénat montrent également cette tendance progressive à l'exil en Suisse. Entre 2001 et 2008, la population inscrite résidente française s'est accrue de 26,8% en passant de 109 106 résidents à 138 349. Il sera donc particulièrement intéressant de relever l'évolution de cette population entrante dans la Confédération, de même que celle choisissant de s'établir en Belgique, autre eldorado pour patrimoines fiscalement matraqués.

Devant l'exil physique de ses contribuables, la France persistera-t-elle dans sa position intransigeante ? A l'Assemblée nationale déjà, un discours de la méthode dissident se fait entendre, Jean-François Copé ayant déclaré le 13 décembre avoir refusé lorsqu'il était à Bercy d'exploiter des informations similaires par ses services. Une autre méthode possible peut-être ?

[1] Il s'agit en réalité de l'avenant à la convention contre les doubles impositions (CDI) en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, remplaçant celui du 12 janvier 2009 sur la même matière.

[2] Cette précision étant insérée afin d'écarter toute équivoque quant à l'interprétation de l'administration suisse, puisque la France avait proposé un avenant à la convention différant légèrement des conventions de type OCDE en vigueur par ailleurs entre la Confédération Helvétique et d'autres pays tiers.