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Comment l'Etat peut-il économiser 10 milliards ?

Ouest France a interviewé Agnès Verdier-Molinié, directeur de la Fondation iFRAP, à propos des mesures d'économies annoncées par François Hollande.

Ouest-France : Où l'État peut-il faire des économies ?

En mars, la Fondation iFRAP a publié : Cent jours pour réformer la France, où l'on a chiffré toutes les économies réalisables. On peut bien sûr faire des économies au niveau de l'État, mais aussi des collectivités locales et des dépenses sociales.

L'idée de tailler 7% des dépenses de fonctionnement, de réduire le train de vie des ministères… Tout ça va dans le sens d'une baisse des dépenses. Mais qu'est-ce qui va être fait en 2013 ?

Sur les personnels, le gouvernement veut augmenter ceux de l'éducation, sanctuariser la police et la justice. D'un autre côté, il y aurait une baisse de 2,5% des effectifs des ministères. Mais ça sera à dépenses constantes. On ne va ni augmenter, ni baisser les dépenses de personnel. Alors qu'il faut se poser la question du gel les salaires, du gel de l'avancement. Est-ce qu'on met les collectivités locales à contribution, car elles ont embauché comme jamais dans les dernières années ? Dans l'ensemble des régions, l'augmentation des dépenses de fonctionnement atteint 2,3% entre 2010 et 2011.

Ouest-France : Quels services publics sont les premiers visés ?

On peut réaliser de grosses économies dans les services publics qui se modernisent. Par exemple je crois qu'on peut encore baisser le nombre de personnels dans les services fiscaux. Ils seront de plus en plus informatisés.

À la Sécurité sociale on devrait pouvoir faire baisser les effectifs. Il y a beaucoup de personnes qui sont sur des postes qui n'ont pas vocation à être pérennisés.

Ouest-France : Pour vous, modernisation = économies ?

On sent bien que les services publics ont du mal à rentrer dans une vraie logique de modernisation. S'ils se modernisaient aussi vite que les entreprises privées, il y aurait beaucoup de postes supprimés.

Et puis il y a la question des missions. L'État intervient déjà dans l'aide extérieure, l'aide au développement, pourquoi les régions interviennent-elles aussi pour plusieurs centaines de millions par an ? On ne peut pas avoir 9 milliards d'un côté au niveau de l'État et encore 230 millions au niveau des régions. Ça n'a pas de sens.

Ouest-France : C'est toute la question du coût des collectivités locales ?

Il y a la notion de quel échelon fait quoi. C'est la même chose pour les dépenses sociales. Pourquoi n'a-t-on pas des guichets plus ramassés. La CAF donne des allocations, les conseils généraux, parfois l'État. Il y a un énorme travail de recensement à faire pour savoir quels sont les foyers fiscaux qui touchent.

Et puis il y a la question de savoir s'ils ne doivent pas être imposables. C'est une question d'égalité devant l'impôt.

Ouest-France : Mais une baisse des effectifs n'affaiblit-elle pas les services publics ?

L'Allemagne démontre qu'on peut avoir des services publics de qualité sans pour autant avoir un nombre de personnels publics aussi élevé qu'en France.

En France, nous avons une vision du service public légitimiste. Tout ce qui est fait par le public doit avoir un statut public. Il faut être plus flexible et faire évoluer le statut de la fonction publique. Que les personnels qui sont embauchés ne le soient plus sous statut à vie comme c'est aujourd'hui. Dans les services publics allemands, il n'y a que 1,6 million de fonctionnaires au statut public.

Ouest-France : Qu'entendez-vous par là ?

En France, on croit que si on a moins de monde dans le secteur public, cela va faire chuter l'emploi. Il faut réussir, d'un côté à baisser la dépense et de l'autre à créer les conditions de la création d'emplois marchands. Et c'est ce qu'on a oublié de faire depuis des années. On ne sait pas créer les conditions pour que les entreprises se créent, se financent, créent des emplois. Et créer la confiance. Les jeunes générations aimeraient entreprendre mais le font beaucoup moins, car l'espoir de réussir est beaucoup plus ténu.

Propos recueillis par Laurent Frétigné