Actualité

Budget 2019 : la masse salariale de l’Etat en hausse

Entre l’exécution du budget 2018 et le PLF 2019, la masse salariale est significativement en hausse. Elle passe en effet de 86,54 milliards d’euros à 88,32 milliards d’euros à périmètre constant soit une augmentation de +1,77 milliard d’euros, ou à périmètre courant de +1 milliard d’euros (la prévision d’exécution de la masse salariale étant fixée un peu plus haut à 87,3 milliards d’euros) pour le seul budget général.

Il est donc clair que l’impossibilité de bloquer indéfiniment le processus PPCR (avec son corolaire la bascule « prime/point ») notamment pour les agents faiblement rémunérés[1], malgré le gel du point de fonction publique et le schéma d’emploi dont on a vu les insuffisances par rapport à l’augmentation des plafonds[2],  sont deux éléments inflationnistes qui conduisent à cette hausse de la masse salariale de près de 2,05%. Un niveau sensiblement supérieur à l’inflation anticipée dans le cadre du PLF 2019 (1,4% hors tabac).

Dans ce contexte il semble important de bien visualiser les ministères qui tiennent leur masse salariale, de ceux qui l’augmentent en raison de leur caractère jugé prioritaire par le gouvernement, et de ceux qui la laissent tout simplement dériver. Il importe également de bien visualiser les sous-jacents à l’œuvre qui expliquent cette hausse globale.

La hausse globale de la masse salariale de l’Etat dans ses différentes composantes

Les grands facteurs qui expliquent la hausse de la masse salariale en 2019 sont les suivants :

Hors contribution au CAS pension

Total

Solde d'exécution 2018 retraité

86 545,1

dont Prévision d'exécution 2018 hors CAS Pensions

87 308,1

dont Impact des mesures de périmètre 2018-2019

-14,8

autres (débasages des dépenses au profil atypique)

-748,6

Impact du schéma d'emploi

61,6

Mesures catégorielles

581,4

Mesures générales

6,8

dont rebasage GIPA

3,6

dont variation du point de fonction publique

0,0

Mesures bas salaires

3,3

GVT +

1 245,2

GVT -

-890,3

GVT solde

355,1

Rebasage des dépenses au profil atypique hors GIPA

539,8

Autres variations des dépenses de personnel

226,8

Total demandé PLF 2019

88 316,5

Note : Budget 2019, calculs Fondation iFRAP 2018

On constate tout d’abord des effets de périmètre importants minorants la masse salariale (non pas en eux-mêmes : -14,8 millions d’euros, mais induits (« débasages »)) pour passer du solde d’exécution prévisionnel au solde d’exécution retraité. Ils s’élèvent à près de -748,6 millions d’euros.

L’impact du schéma d’emploi est positif (malgré la baisse affichée de -1,533 ETP sur l’Etat) à raison des plafonds d’emplois qui intègrent la hausse mécanique des effectifs « déprécarisés » de l’Education nationale. Il en résulte une hausse de 61,6 millions d’euros.

L’augmentation des mesures catégorielles prévues pour 2019 sont substantielles puisqu’elles représentent 581,4 millions d’euros.  En contre-point, les mesures générales sont elles quasi-nulles en raison du gel du point de fonction publique (+6,8 millions d’euros) essentiellement portées par le déclenchement de la GIPA (garantie individuelle de pouvoir d’achat) 3,6 millions d’euros et par les mesures bas salaires (3,3 millions).

Les progressions de carrière (GVT pour glissement vieillesse technicité), continuent d’avoir un impact marqué +355,1 millions d’euros dont 1,245 milliard de GVT positif (progressions de carrières, promotions) et -890,3 millions d’euros (effet des salaires entrants et des départs à la retraite).

Enfin des rebasages (+539,8 millions d’euros) et autres variations de dépenses de personnel (+226,8 millions d’euros) constituent le second poste de dérive des dépenses de masse salariale après les mesures catégorielles et le GVT solde.

Il apparaît évident que la faiblesse de la baisse du schéma d’emploi associé à un GVT négatif peu consistant sont les explications principales qui éclairent cette hausse de 2,05% de la masse salariale de l’Etat en 2018. En clair, le gouvernement ne fait pas assez d’efforts budgétaires pour stabiliser la masse salariale de l’Etat.

Où la masse salariale augmente-t-elle le plus ?

La ventilation est la suivante. Il apparaît que ce sont les ministères du Travail et de la Solidarité et santé qui sont les seuls à voir leur masse salariale se contracter (de respectivement -0,39% et de -0,23%). Deux ministères ont une masse salariale gelée (le ministère de la cohésion des territoires) et le ministère des sports (mais dont les effectifs sont portés exclusivement par des opérateurs).

Ministères (classement décroissant de la masse salariale

Solde d'exécution 2018 retraité

Total demandé PLF 2019

Différentiel en %

Différentiel en valeur absolue

Travail

433,2

431,5

-0,39%

-1,7

Solidarité et santé

516,6

515,4

-0,23%

-1,2

Cohésion des territoires

31,9

31,9

0,00%

0,0

Sport

0,0

0,0

0,00%

0,0

Europe et affaires européennes

960,0

961,8

0,19%

1,8

Enseignement supérieur et recherche

361,5

362,3

0,22%

0,8

Economie, Finances

749,9

752,3

0,32%

2,4

Action et comptes publics

5 899,2

5 939,2

0,68%

40,0

Transition écologique et solidaire

1 884,6

1 902,5

0,95%

17,9

Culture

502,0

506,9

0,98%

4,9

Education nationale

45 831,7

46 456,5

1,36%

624,8

Agriculture et alimentation

1 482,4

1 509,9

1,86%

27,5

Intérieur

11 784,4

12 095,4

2,64%

311,0

Outre-mer

104,8

108,3

3,34%

3,5

Services du Premier ministre

783,7

810,9

3,47%

27,2

Justice

3 696,7

3 834,6

3,73%

137,9

Armée

11 522,5

12 097,1

4,99%

574,6

Total

86 545,1

88 316,5

100%

1 771,4

Source : PLF 2019, calculs Fondation iFRAP 2018

Côté hausses, les services priorisés par le Gouvernement sont régaliens : l’Armée (+4,99%), la Justice (+3,73%), mais aussi l’intérieur (+2,64%).

En revanche on ne comprend pas bien à première vue pourquoi la masse salariale du ministère de l’Outre-mer s’accroît (+3,34%), ni pourquoi celle des services du Premier ministre augmente de près de 3,47%).

  • Pour le ministère de l’Outre-mer, la hausse est portée par deux éléments significatifs : des embauches (1,4 million d’euros), des mesures catégorielles (1,2 million d’euros) et des mesures bas salaires (0,9 million d’euros). La hausse étant d’autant plus marquée que la masse salariale du ministère est modeste (108,3 millions d’euros).
  • Pour les services du Premier ministre, l’augmentation de 27,2 millions d’euros s’explique par des embauches (pour 15,6 millions d’euros), l’augmentation des primes (3,4 millions d’euros), et des promotions soutenues (le GVT solde s’établit à +4,1 millions d’euros).

Conclusion

Malgré un schéma d’emploi affiché comme volontariste, celui-ci conjugué au gel du point de fonction publique ne suffit pas à gager les priorités du gouvernement qui se répercutent sur une hausse mécanique de la masse salariale de l’Etat. Les variations de masse salariale dans 13 ministères sur 17 sont à la hausse, et 5 d’entre eux dépassent les 2%. Il en résulte une hausse de la masse salariale du budget général de 1,77 milliard d’euros.


[1] http://www.maire-info.com/etat-administration-centrale-elections/fonction-publique/un-decret-qui-va-conduire-des-regularisations-salariales-immediates-dans-la-fonction-publique-article-22252

[2] Voir notre note : http://www.ifrap.org/fonction-publique-et-administration/budget-2019-la-baisse-du-nombre-de-fonctionnaires-est-elle