Actualité

360 milliards pour enrayer la crise

Quand l'Etat endosse les habits du libéralisme

On entend prononcer des grands mots du côté des socialistes : l'un ne craint pas de déclarer que « ce qui s'effondre aujourd'dhui, c'est … le libéralisme économique ». L'autre se réjouit que la crise permette de reparler des « nationalisations » sans qu'il s'agisse d'un « gros mot ».

Non seulement nous n'en sommes évidemment pas là, mais ce que nous voyons au contraire, c'est un Etat qui intervient dans le système avec les propres outils et moyens du capitalisme libéral, en tant que banquier prêteur aussi bien que banquier d'investissement. Les sommes nécessaires n'étant pas à la portée du système bancaire traditionnel, l'Etat utilise, non pas ses moyens budgétaires (ses ressources provenant des prélèvements obligatoires), mais la valeur de sa signature pour emprunter sur le marché international et reprêter aux banques ou renforcer leurs fonds propres dans la mesure éventuellement requise.

C'est le sens de la loi qui vient d'être adoptée au Parlement. Cette loi prévoit d'abord la constitution d'une société de refinancement ayant pour objet de prêter aux établissements financiers dans les mêmes conditions et en disposant des mêmes garanties que si elle était elle-même un établissement de crédit : c'est assez dire que l'Etat intervient par l'intermédiaire d'une société fonctionnant conformément au Code de commerce et se coulant dans le moule légal des établissements de crédit ordinaires. Et l'Etat ne disposera que d'une minorité de blocage et d'un droit de veto dans cette société de refinancement, les deux-tiers du capital appartenant au secteur bancaire. Quant à l'intervention directe de l'Etat, elle se limite à accorder sa garantie aux emprunts émis par ladite société (et, non, sauf à titre exceptionnel, aux emprunts émis par les établissements de crédit bénéficiaires finaux). Cette garantie est consentie pour une durée maximale de cinq ans et « à titre onéreux », c'est-à-dire moyennant des conditions financières qui devraient normalement assurer un bénéfice à l'Etat – comme le ferait n'importe quelle caution commerciale.

La loi prévoit en outre d'autoriser le ministre de l'économie à faire bénéficier de la garantie de l'Etat les financements levés par la société des participations de l'Etat (SPPE). La SPPE a pour objet d'aider les organismes financiers à se constituer le montant de fonds propres requis par la réglementation. Il s'agit ici encore d'une intervention indirecte de l'Etat. Les responsables politiques ont clairement indiqué que la participation de la SPPE dans les organismes financiers (et qui correspondront la plupart du temps, non pas à une participation au capital dilutive pour les actionnaires, mais à la souscription de titres « hybrides » se rapprochant des obligations) a pour objet le seul renforcement des fonds propres réglementaires et non la prise de contrôle, et aura vocation à cesser dès qu'il sera possible.

En résumé, nous sommes aux antipodes d'une révolution idéologique qui remettrait en cause le système du capitalisme libéral. Il n'est nullement question de nationalisations, en revenant à une époque où il s'agissait de confier la gestion des entreprises à l'Etat. La conclusion tirée de ces expériences de gestion (se rappeler l'affaire du Crédit Lyonnais), à savoir que l'Etat n'était pas fait pour ce rôle, reste toujours d'actualité. Il y a quelques jours, le bruit a couru qu'après son sauvetage, Dexia allait être totalement nationalisée par l'Etat belge. Le titre s'effondra en bourse, et la rumeur fut bien vite démentie… Le G5 patronal (Grande Bretagne, Espagne, France, Allemagne et Italie) qui vient de se réunir vendredi dernier a insisté sur le fait que le rôle de l'Etat doit rester « temporaire », que « la création de richesse ne peut provenir que de l'entreprise privée et de l'économie de marché », ou encore que « le capitalisme est le meilleur système pour garantir la prospérité ». On ne saurait mieux dire.