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Une SAFER gagne, l'autre SAFER perd

Des organismes devenus source d'incertitude et d'insécurité juridiques

Pour une structure para-étatique qui pense avoir l'éternité devant elle, 5 années et 3 procès, c'est peu. Mais pour des familles de Français ordinaires, c'est interminable. Les projets des époux X…, des époux Y… et de la SCI Lalonde ont été bouleversés de 2003 à 2007 parce que les droits dont bénéficient les SAFER sont difficilement admissibles et tout à fait incompréhensibles.

La situation initiale semblait simple. D'après Légifrance, les époux X… vendent deux parcelles de terrain dans la région Centre à la SCI Lalonde. Les deux parties se sont entendues sur le prix et les délais, exactement comme dans un état de droit. Si la vente avait porté sur un logement, des actions, une voiture, un commerce ou tout autre bien, l'affaire se serait terminée là. L'acheteur et le vendeur auraient fêté cela ensemble, se seraient séparés amis et l'acheteur se serait immédiatement attelé à la réalisation de son projet.

Mais légalement avertie par le notaire, la SAFER préempte les deux parcelles, empoche sa commission et les revend aux époux Y… exploitants de ces parcelles. La SCI Lalonde décide d'attaquer cette décision en justice, ayant constaté que les époux Y… sont déjà propriétaires de terres représentant plus de 3 fois la surface minimum d'installation. En première instance, la SAFER gagne.

La SCI Lalonde insiste et va en appel, où elle gagne, la Cour d'appel ayant constaté que les époux Y… disposaient déjà d'une surface importante. La Cour faisait aussi remarquer que l'achat des parcelles par la SCI Lalonde ne remettait en rien en cause le droit pour les époux Y… d'exploiter ces terres durablement. Aucun des acheteurs n'étant agriculteur n'avait donc la possibilité de contraindre les époux Y… à partir sans leur consentement.

[(Les cas ordinaires

Le cas décrit ici est extraordinaire par le courage et la ténacité des acheteurs. En général, l'acheteur se résigne, furieux, au reçu de la lettre recommandée de la SAFER, deux mois après avoir cru son achat conclu.

Dans ces nombreux cas ordinaires aussi, la SAFER a été source d'insécurité juridique, l'acheteur n'ayant aucun moyen de prévoir ce que va devenir son projet pour lequel il a souvent investi du temps, de l'argent et de la passion. )]

La SAFER s'entête et va en cassation. Elle gagne à son tour. La Cour de cassation estime que la juridiction d'appel a « créé de la loi » sans s'en rendre compte.

Au final, les SAFER perturbent le droit de propriété

Une loi incompréhensible même par des juges dans des cas aussi simples que celui-ci doit avoir quelque chose de malsain. Et en utilisant une force de frappe incommensurable avec celle des particuliers, les SAFER créent une incertitude juridique insupportable. Combien de temps les Français, seuls en Europe à se heurter à un tel système, vont-ils s'y résigner ?

Dernière minute : Encore une SAFER condamnée

Un cas de préemption et de vente par la SAFER encore plus extraordinaire vient d'être jugé : la SAFER de Basse Normandie qui avait perdu en première instance, vient de perdre en appel, et a décidé d'aller en Cassation. Il faut dire que si elle applique son taux de 6% à 9% du prix de 382.000 €, elle voit une commission située entre 23.000 et 34.000 euros lui échapper. Pour le moment, elle est condamnée à une amende de 30.000 euros pour avoir prétendu qu'aucun autre candidat ne souhaitait acheter cette propriété, ce qui était faux.

Un golf plutôt qu'une ferme : une Safer sanctionnée

La cour d'appel de Caen vient de condamner celle de Basse-Normandie. Un couple d'agriculteurs du Pays d'Auge avait été évincé au bénéfice d'un promoteur immobilier.

Par son arrêt du 9 février 2010, la cour d'appel de Caen jette un pavé dans le fonctionnement et les attributions des Safer (sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural). Elle vient de condamner celle de Basse-Normandie dans un conflit qui l'oppose depuis quelques années à un couple d'agriculteurs du Pays d'Auge.

L'arrêt confirme l'annulation décidée en première instance, de la rétrocession d'une ferme de 12 hectares et de ses bâtiments, pour un montant de 382 000 €, à un promoteur immobilier, dans la perspective de la création d'un golf et alourdit à 30 000 €, les dommages et intérêts accordés à l'EARL Belle-Epine.

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