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Une eco-pastille qui fait tousser

Jean-Pierre Raffarin avait jeté l'éponge en 2004, Dominique de Villepin avait abandonné en 2006, mais François Fillon et Nicolas Sarkozy ressuscitent la vignette automobile, le Grenelle de l'environnement ayant préparé les mentalités à de nouvelles taxes « écologiques ». Pour faire avaler la pilule de cette nouvelle vignette supprimée par un gouvernement de gauche en 2001, le principe « pollueur-payeur » est mis en avant, assorti de la création d'un système de subventions. L'examen des chiffres fournis par le gouvernement montre tout d'abord que cette mesure n'est pas neutre pour les caisses de l'Etat, puisque avec 2 millions de voitures neuves vendues par an en moyenne, la mesure devrait rapporter 460 millions d'euros. Une fois les bonus reversés aux acquéreurs de voitures « propres », il devrait rester 175 millions d'euros dans les caisses de l'Etat. La vignette est donc bel et bien un nouvel impôt à effet redistributif.

La fiscalité n'étant pas neutre, corriger les externalités négatives du marché (émissions de CO2) va donc créer de nouvelles externalités négatives, mais cette fois d'Etat. Les plus grosses cylindrées émettant le plus de CO2 au kilomètre, la redistribution va donc s'effectuer premièrement des grosses berlines et 4x4 vers les petites citadines. Donc des plus riches et des familles nombreuses vers les célibataires et citadins, pas forcément les plus pauvres.

Deuxièmement, les palmarès automobiles montrent que les marques françaises sont moins émettrices de CO2 que les véhicules plus « haut de gamme », bien souvent de marques allemande ou étrangère. La vignette va donc conforter la place vacillante des constructeurs nationaux, redistribuant l'argent des acheteurs non patriotes vers ceux consommant « français ».

Ce protectionnisme, s'il conforte la place des constructeurs français à court terme, risque de les prendre au piège à moyen terme. Le segment des gammes supérieures est déjà très bas en France (6%, contre 11% en moyenne en Europe. Source : CCFA), et les marques nationales y sont faiblement représentées. L'éco-pastille risque de renforcer cette situation, encourageant dans un premier temps nos constructeurs dans les gammes moyenne et inférieure. Malheureusement, les marchés émergents, comme la Chine et l'Inde seront très vite à même de concurrencer nos constructeurs sur ces segments. Alors, que restera-t-il de notre industrie automobile française, concurrencée sur son cœur de produits et quasiment absente sur des segments à forte valeur ajoutée, découragés par cette nouvelle fiscalité ?