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Nucléaire : la France manque d'électricité

La France importe en ce moment des quantités considérables d'électricité pour subvenir à ses besoins : l'équivalent de ce que produisent 5 réacteurs nucléaires. Le réseau est menacé de rupture, et comme le souligne RTE, il s'agit d'une situation inédite depuis l'hiver 1982-83, soit il y a 27 ans. Doté du plus important parc électronucléaire du monde après les Etats-Unis, notre pays est d'ordinaire classé par les spécialistes parmi les pays exportateurs d'électricité. Alors, comment en est-on arrivé là ?

Une composante conjoncturelle

La filière nucléaire en France, c'est 58 réacteurs répartis sur 19 sites pour une puissance installée de 63 gigawatts. Selon le ministère de l'industrie, la construction de ce parc a coûté 77 milliards d'euros à la puissance publique. Il produisait en 2008 plus de 80% de l'électricité consommée en France, le reste provenant des barrages hydroélectriques (12%) et, dans une moindre mesure, des combustibles fossiles (7%) et des énergies renouvelables (0,2%).

Or, depuis début novembre, 18 réacteurs sont à l'arrêt, soit près d'un sur trois. Opérations de maintenance, réparations diverses ou rechargement en combustible ont été retardés de plusieurs mois par un important mouvement de grève chez EDF au printemps dernier. Au contraire, les syndicats mettent en cause le manque de maintenance et le recours croissant à la sous-traitance pour expliquer la multiplication des incidents dans les centrales d'EDF. RTE ne précise pas à qui est imputable le déficit de production actuel mais reconnaît que d'ordinaire, les arrêts sont programmés en été de manière à disposer du maximum de puissance en hiver.

Une composante structurelle

Habituellement excédentaire en électricité, la France a de plus en plus de mal à satisfaire ses besoins en hiver. Le développement du chauffage électrique rend la consommation très sensible au froid, et le scénario le plus fréquent est désormais celui-ci : la France importe de l'électricité pendant les heures de pointe, par exemple le soir en hiver, et en exporte le reste du temps. Une situation peu satisfaisante puisque le prix de l'électricité pendant ces pointes hivernales est régulièrement de 3 à 6 fois plus élevé que le reste de l'année. En effet, l'électricité ne se stocke pas en grandes quantités, par conséquent la production doit en permanence s'ajuster à la demande. Nous savons aujourd'hui qu'une baisse de température d'un degré provoque une surconsommation de 2 100 MWh, l'équivalent de la puissance moyenne nécessaire à une ville comme Paris. En Janvier 2009, 34 000 MW ont été appelés par le chauffage électrique en France, l'équivalent de la moitié du parc nucléaire ! Le réseau est donc de plus en plus sous tension, et la situation est exacerbée cette année car le nombre de réacteurs à l'arrêt est anormalement élevé. Les pays qui nous fournissent en période de pointe (principalement Allemagne et Royaume-uni) produisent essentiellement leur électricité dans des centrales thermiques à partir de combustibles fossiles.

La Bretagne et la région PACA sont quant à elles menacées car elles sont considérées comme des « péninsules électriques » : elles disposent de peu de centrales localement, et sont insuffisamment alimentées par les lignes haute tension.

Le problème pourrait se poser à nouveau les hivers prochains, prévient RTE. La consommation devrait continuer de progresser et en 2015, la situation pourrait s'avérer critique. A cette date, le nombre de centrales thermiques au charbon ou au fioul commencera à diminuer en Europe pour des raisons environnementales, et la France ne pourra alors plus compter sur ses voisins.

On constate une fois de plus l'inconvénient qu'il y a à dépendre d'un monopole. Dans un pays comme l'Allemagne où plusieurs entreprises sont en concurrence depuis des décennies, les défaillances des uns dues à des grèves, des problèmes techniques ou des sous-investissements sont compensées par les autres. En France, il faudra attendre au moins 10 ans pour que les nouveaux entrants disposent de capacité suffisante pour résoudre ce problème.

Source : données RTE (Unité : MW)

Sources : données RTE et calculs iFRAP (Unité : MW)