Actualité

Les agriculteurs retraités victimes des Safer

Les retraites des agriculteurs sont très faibles et les 2,8 milliards € de déficit annuel du régime social agricole ne leur laisse aucun espoir d'amélioration. Comme pour d'autres professions indépendantes (commerçants, petits entrepreneurs, taxis), c'est la revente de leur outil de travail ou de leur clientèle qui devrait leur assurer un sérieux complément de retraite.

Ce serait juste, ils ont investi dans leur « entreprise » tout au long de leur vie au lieu de payer des cotisations retraites importantes ou d'investir dans l'immobilier ou des actions. Mais depuis 40 ans, à cause des Sociétés d'aménagement foncier et de l'espace rural (Safer), le prix des terres en France n'a pas du tout suivi le niveau d'inflation.

Depuis les années 1970, le prix des terres a été divisé par 2, pendant que le niveau de vie des Français était multiplié par 2. Au moment où ils partent en retraite, les agriculteurs disposent donc d'un capital leur procurant un niveau de vie 4 fois plus faible que celui de leurs concitoyens. Cette situation dramatique est unique dans les pays développés et ne repose sur aucune logique économique, surtout au moment où les terres sont recherchées pour la production d'aliments et de matières premières.

Question d'actualité posée par le député Jean-Pierre Marcon le 14 mai 2008.

« Pour être très précis, dans mon département, un chef d'exploitation reçoit en moyenne 500 euros par mois, après quarante années de cotisation sur la base du Smic. Il peut espérer obtenir en 2008 une pension de 720 euros, en cumulant à la fois la retraite de base, la retraite proportionnelle et la retraite complémentaire. Certes, la protection sociale n'a pas toujours été leur priorité ; ils ont souvent privilégié l'investissement dans la modernisation de l'agriculture. »

Les terrains agricoles battent tous les records aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans la quasi-totalité de l'Europe. Avec une moyenne nationale de 4740 €, l'hectare cultivable reste six fois inférieur chez nous, par rapport aux Pays-Bas et deux fois plus bas qu'en Espagne.

« Nous sommes le seul pays où existe un organisme de restructuration des terres (les Safer), qui possède notamment un droit de préemption et pèse sur les prix. Là où il n'y en a pas, dans les collectivités d'outre-mer, ils ont évolué très différemment ! », fait observer Michel de Beaumesnil, qui préside la section nationale des propriétaires ruraux à la FNSEA. Il considère que le rattrapage des prix français sur le reste de l'Europe ne pourra se faire que lentement [1].

Ce constat du dirigeant de la branche « propriétaires » du syndicat agricole majoritaire est exact. Mais dans ses actions sur le terrain comme dans ses campagnes auprès des responsables politiques, la direction de la FNSEA défend farouchement les privilèges des Safer et ne milite pas du tout pour un rattrapage du prix des terres. On imaginait que ce syndicat avait pour but de défendre ses adhérents et donc de valoriser au maximum leur capital. En réalité, la FNSEA veut conserver les importants et obscurs pouvoirs que lui procure son influence à la tête des 27 Safer de France. Laisser les agriculteurs retraités dans la misère et en appeler à la solidarité nationale pour les aider et combler le déficit de la Mutualité Sociale Agricole ne la choque absolument pas.

Comment croire qu'en Europe, des prix puissent varier de 1 à 2 ou de 1 à 6 pour des biens homogènes ? Et comment éviter qu'avec de faux prix ne se développe en France un marché noir des terres où les « combines » remplacent trop souvent les vrais prix ? Le 18 juillet 2008, Bruxelles a décidé de remettre en cause la Sacem, monopole qui collecte les droits d'auteurs musicaux. Espérons que sa prochaine cible sera la Safer. Par ordre alphabétique, c'est le monopole suivant.

Accéder à notre portail sur les SAFER

[1] Le Figaro, 13 mai 2008