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Le vélo aura-t-il son ministère ?

Encore un machin pour rien ...

Dans un souci d'efficacité sur des sujets aussi transversaux que le vélo, rien de tel que de créer une structure administrative pour coordonner l'ensemble des acteurs qui s'y intéressent déjà.

C'est pour cette raison qu'a été créée le 18 avril 2006 la fonction de « coordonnateur interministériel pour le développement de l'usage du vélo [1] » ; poste auquel M. Hubert Peigné, ingénieur général des ponts et chaussées, était alors nommé pour une durée de trois ans. Arrivé au terme du mandat de cette mission de coordination, il est l'heure de tirer un premier bilan de son action.

Une structure administrative à part entière

Alors que le décret de nomination prévoyait la création de deux postes opérationnels, le moins que l'on puisse dire est qu'ils ont su s'entourer. L'équipe « resserrée » de « coordination vélo » est en effet composée de 14 membres issus de 10 ministères. Les fonctions du coordonnateur lui donnent en outre la responsabilité de deux structures supplémentaires :

Des missions particulièrement précises

Article 2 du décret :

Le coordonnateur interministériel pour le développement de l'usage du vélo examine, en liaison avec les services compétents, l'ensemble des questions et des enjeux, notamment de développement durable, liés au développement de ce moyen de locomotion et qui concernent l'organisation des déplacements, la voirie, les sports et les loisirs, le tourisme et la politique industrielle. Il fait toutes propositions dans ces matières, en prenant appui sur les expériences réalisées, en France comme à l'étranger. Il favorise la diffusion des informations utiles et des bonnes pratiques auprès des diverses parties intéressées, et en particulier des collectivités territoriales.

Article 3 du décret :

Les moyens nécessaires à l'action du coordonnateur interministériel sont mis en place par le ministre chargé des transports.

Le coordonnateur interministériel peut faire appel en tant que de besoin aux services des autres ministères ainsi qu'aux établissements publics de l'Etat concernés.

- « Véloroutes Voies Vertes » (MN3V), composée de 12 membres issus de 8 Ministères.
- « Voirie pour tous », animée par 6 membres issus de diverses structures administratives préexistantes.

Soit pas moins de 32 personnes -qui, nous l'espérons, ne sont pas tous à temps plein- sans compter les antennes locales pour affirmer la volonté de l'Etat en matière de développement de l'usage du vélo, et « renforcer la mobilisation commune entre les différents acteurs sur ce sujet ». Avec une telle équipe technique, le bilan de Monsieur Vélo devrait être particulièrement fourni. Malheureusement, il nous faut vite déchanter.

Absence de résultats

Un premier bilan des actions menées en 2006 [2] est à la disposition du public. Long d'une dizaine de lignes, il nous informe notamment que la SNCF mettra en place « une information performante sur l'usage et les produits qui lient le train et le vélo » dès l'automne 2008. Trois ans plus tard, nous nous apercevons que le site mis en place par la SNCF n'apporte aucune information, et n'est pas fonctionnel puisque de nombreux liens sont « morts ». Après un « plan d'action » en 2007, la dernière publication de Monsieur Vélo date de mi-2008. Intitulée «  propositions pour une politique vélo de l'Etat », elle rend compte des conclusions des équipes du coordonnateur à l'issue de deux années de réflexion. On y apprend par exemple que la mission vélo a « fait publier une fiche technique sur le stationnement des vélos », ou encore qu'elle a « recueilli les attentes du Club des Villes Cyclables ». Bref, le document ne présente absolument aucun résultat concret du travail de la structure.

Objectifs flous et propositions farfelues

Outre l'injonction de pérenniser sa fonction et d'augmenter le « soutien financier » que lui apporte l'Etat, Monsieur Vélo invite tous les acteurs à se fixer un objectif pour 2012 : « atteindre une part modale du vélo de 10% dans les déplacements urbains ». Pour cela, des propositions sont faites et le moins que l'on puisse dire est qu'elles manquent de précision. Florilège.

- Annoncer le montage d'une politique d'appui à l'innovation dans le domaine du vélo
- Expérimenter et analyser le « tourne à droite au feu rouge pour les cyclistes »
- Officialiser les zones de rencontre (zones urbaines où piétons et cyclistes sont prioritaires sur les automobilistes)
- Engager une action pour faire connaître l'intérêt pour la santé d'une pratique quotidienne mesurée du vélo
- Intégrer le vélo dans l'éducation routière
- Engager une démarche de communication et de diffusion des bonnes pratiques et de l'intérêt du vélo
- Définir un programme spécifique orienté vers l'enseignement supérieur et les étudiants

Autant de bonnes raisons pour reconduire pour trois ans Monsieur Vélo dans ses fonctions. En outre, le rapport préconise également de confirmer la Mission Nationale des Véloroutes et Voies Vertes. Cette Mission Nationale existe depuis 2003 et a pour objectif le développement d'un réseau de routes nationales à l'usage du vélo. Ainsi, 20 comités régionaux et un observatoire national ont rapidement vu le jour, mais pour des résultats plus que mitigés. Le rapport final prévu pour début 2008 et détaillant un plan national et sa traduction en itinéraires « attractifs pour les usagers » n'existe toujours pas. En l'absence de lettre de mission précise, le bilan 2003 / 2007 publié sur le site Internet qualifie lui-même le fonctionnement de la Mission « d'informel ». Son travail est « resté dans l'ombre » à cause « de moyens trop limités ». Ainsi, seuls quelques courts tronçons « peu aptes à constituer une offre touristique cohérente et attractive » ont été réalisés. Le rapport préconise donc de mettre en place une « structure de coordination nationale » indépendante des évolutions politiques ou administratives mais « soutenue financièrement » pour mener à bien ce beau projet, resté quasiment au point mort depuis 2003.

Les Français utilisent très peu le vélo : il participe à moins de 1% des déplacements urbains contre environ 30% aux Pays-Bas. Malgré tous les efforts, y compris les systèmes de vélos en libre service, ce moyen de transport tarde à se développer en France. Cela peut s'expliquer par des facteurs géographiques ou culturels, mais en aucun cas par un déficit de politiques publiques. De fait, Paris compte presque autant de pistes cyclables qu'Amsterdam avec 375km contre 400km.

Pléthore de structures dédiées existent déjà dans les ministères de l'Equipement (le PREDIT [3]), de l'Ecologie (l'ADEME [4]), des Sports et du Tourisme (l'ODIT [5]). Sans parler des associations subventionnées ou des organismes publics comme le CERTU (Centre d'Etudes sur les Réseaux, les Transports, l'Urbanisme et les constructions publiques). Il n'est pas condamnable en soi de vouloir favoriser l'utilisation du vélo. Mais l'empilement des structures administratives est inefficace et induit un coût élevé, à la charge de la collectivité. Avec des moyens fournis par le ministère des transports (mais pas de budget propre), une absence totale de résultats et des propositions imprécises, il est grand temps de supprimer cette structure avant qu'elle ne s'enracine et se développe un peu plus encore dans l'humus fertile des « machins » administratifs.

[1] Décret n°2006-444 du 14 avril 2006 puis décret de nomination le 18 avril 2006

[2] « Bilan des actions 2006 de Monsieur Vélo », www.transports.equipement.gouv.fr/

[3] Programme de Recherche et d'Innovation dans les Transports Terrestres

[4] Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie

[5] Agence Publique de Développement et d'Ingénierie Touristique