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Changement d'horaires à la SNCF : le chaos évité

Avec le big-bang du 11 décembre 2011 dans les chemins de fer français, l'occasion était trop belle. La tentation était trop forte. Le syndicat des conducteurs FGAAC n'y a pas résisté. Syndicat important mais minoritaire, il a récemment rejoint la CFDT pour sauvegarder son existence menacée par les nouvelles règles de représentativité syndicale. Sans doute pour signaler que cela ne lui avait rien fait perdre de son dynamisme, il a devancé ses concurrents pour annoncer la grève rituelle de la SNCF du mois de décembre. Et il avait frappé fort en menaçant de perturber les 4 week-ends de décembre, y compris ceux de Noël et du 1er janvier. Mais le climat serait-il en train de changer à la SNCF ?

Deux fois par an, en automne et au printemps, aux dates de changement des horaires d'hiver et d'été, il y a des grèves à la SNCF. A cette occasion, les rythmes de travail de dizaines de milliers de cheminots sont modifiés. Une partie d'entre eux regrettent naturellement les horaires de travail des 6 mois précédents, et se mettent en grève. Mais pour le 11 décembre 2011, RFF et SNCF ont programmé cinq changements :

1. Mise en place des horaires d'hiver (comme chaque année)

2. Début de mise en place du cadencement horaire des trains sur quelques lignes

3. Modifications d'horaires suite au lancement de travaux importants de rénovation des voies

4. Adaptation des horaires suite à la mise en service d'un segment de la ligne TGV Rhin-Rhône

5. Circulation du premier train privé international de voyageurs (Paris-Dijon-Venise, Entreprise Thello, filiale de Trenitalia et Veolia Transdev)

Les forces en présence

Ces 5 chantiers impliquent évidemment la SNCF qui les met en œuvre, mais aussi beaucoup Réseau Ferré de France qui commande les travaux, les sillons de circulation et donc les changements d'horaires, et cette année la nouvelle Autorité de Régulation des Activité Ferroviaires (ARAF) qui doit veiller à ce que chacun assume ses responsabilités et uniquement les siennes. Une situation difficile alors que se déroulent les Assises du Ferroviaire où se discute une future organisation du secteur. Comme prévu, la SNCF souhaite récupérer chez elle les activités de RFF, tandis que RFF espère sans doute abriter un jour tout ou partie des salariés de la SNCF qui travaillent sur son réseau. Dans une tribune publiée par Les Echos, Pierre Cardo, le Président de l'ARAF semble s'être prononcé pour une solution intermédiaire. Les ministres de l'environnement et des transports attendant logiquement la fin des assises pour se prononcer. D'autant plus que la commission de Bruxelles surveille de très près ces réformes et les trop lents progrès de l'ouverture à la concurrence des entreprises de réseaux (électricité et chemins de fer).

Le chantier du 11 décembre

On aurait pu craindre que le big-bang du 11 décembre ne soit l'occasion de règlements de compte entre ces différentes parties. SNCF se positionnant après l'échec dans la posture : « On vous l'avait bien dit, cette structure bicéphale ne marche pas. Laissez-nous faire, nous les professionnels, et revenons à un système allemand où la DB est propriétaire du réseau. » Et RFF plaidant le contraire.

Guillaume Pepy, le 1er décembre 2011

« L'arrivée de la concurrence, l'objectif c'est de faire plus de trains en France, exactement comme dans le secteur du téléphone portable ou dans le secteur de l'Internet. S'il y a de nouveaux opérateurs, il va y avoir de nouveaux services, de nouvelles offres, de nouvelles idées qui vont apparaître. L'objectif, ce n'est pas de partager le gâteau existant, et donc que la SNCF fasse moins, c'est au contraire de faire grandir le gâteau, pour que les Français prennent plus le train. Et si le gâteau est plus grand, j'espère qu'on aura plus de boulot, nous à la SNCF. »

L'annulation du préavis de grève de la CDFT-FGAAC sous la pression jointe de la CGT et de la direction, l'hymne soudain de Guillaume Pepy à la concurrence (reprenant les termes mêmes d'articles de la Fondation iFRAP publiés depuis des années) semblent indiquer que la politique du pire a été évitée et que chacun veut au contraire se montrer sous le jour le plus favorable avant la réforme. Une position qui serait raisonnable au moment où le coût du ferroviaire français ne peut qu'être scruté très soigneusement vu les problèmes de financement du pays. Et cette révision concernera aussi les projets de construction de nouvelles lignes envisagées par le Grenelle de l'environnement.

Conclusion

La position de l'iFRAP reste que dans un système aussi complexe, il est indispensable de créer des interfaces claires où il est possible d'observer de véritables indicateurs intermédiaires de performance de coûts et de qualité, et où de nouveaux intervenants peuvent se substituer aux fournisseurs en place, ne serait-ce qu'à des fins de comparaison. Il est impossible qu'une entreprise monolithique soit performante quand le coût des voies, des gares, de la circulation des trains et de leur entretien, et de services aussi différents que les TGV, TER et FRET sont amalgamés dans une comptabilité analytique médiocre.