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Agriculture : compétitivité et coût de la protection sociale

Notre ministre de l'agriculture, Bruno Lemaire, répète avec force [1] qu'afin d'assurer la compétitivité des entreprises agricoles françaises, qui « mettent en silence la clé sous la porte » en raison du coût excessif du travail par rapport à celui de leurs concurrentes des pays voisins (Espagne et Allemagne surtout), il est indispensable de réformer le financement de la protection sociale. Hélas c'est loin d'être suffisant.

Comme nous l'avons signalé le ministre paraît mettre là ses pas dans ceux du député Bernard Reynès, rapporteur de la mission sur la relance de l'agriculture, et déjà auteur de la proposition de taxation des eaux sucrées, qui plaide pour l'institution d'une TVA sociale (augmentation de 5,5 à 6,7% de la TVA à taux réduit sur les produits alimentaires, pour un rendement de 1,6 milliard d'euros). Nous ne sommes pas favorables à l'instauration de mesures protectionnistes, surtout à l'égard de nos partenaires européens, pour faire face à notre manque de compétitivité. Et encore moins lorsque le problème n'en est pas résolu pour autant.

En effet les charges sociales sont déjà très réduites sur les bas salaires (allègement de 26% dégressif jusqu'à 1,6 Smic), et l'agriculture emploie beaucoup de salariés à ce niveau. Par ailleurs l'emploi des travailleurs saisonniers bénéficie d'une exonération tout à fait exceptionnelle, qui couvre même les cotisations d'allocations familiales et d'AT/MP, et ce jusqu'à 2,5 smic, et ne s'annule qu'au niveau d'une rémunération mensuelle égale ou supérieure à 3 smic. En outre, les caisses de mutualité sociale agricole se substituent aux employeurs pour ce qui concerne le paiement des cotisations patronales conventionnelles (participation à la formation professionnelle continue, retraite complémentaire, etc.), à l'exception des cotisations d'assurance chômage et de la cotisation AGS qui restent dues par l'employeur.

Dans ces conditions, si le ministre a amplement raison de s'alarmer de la disparition des entreprises agricoles françaises, ce n'est pas le financement de la protection sociale qui paraît devoir être mis en cause dans ce secteur, déjà très privilégié. Comme le soulignent les organisations professionnelles, c'est bien le niveau du Smic qui pose problème. L'Allemagne ne connaît pas de salaire minimum, et le Smic espagnol est à 641 euros pour 40 heures contre 1.365 euros pour 35 heures en France. La différence est donc vertigineuse. C'est à l'uniformité du Smic français, qui est particulièrement désastreuse dans le secteur agricole, qu'il faut s'attaquer.

[1] France Inter le 22 septembre